… officiant, Bruno Le Maire sur le rapport concernant les autoroutes…
Le ministre de l’Économie ne dit toujours pas comment s’attaquer aux 55 milliards d’euros de rente indue qu’auront générés les deux principaux rois du bitume.
Quatre jours après les révélations du « Canard » (25/1) sur un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) soulignant les surprofits des deux plus grosses concessions autoroutières (une situation qui « mériterait » une baisse de 60 % des tarifs des péages), Bruno Le Maire est sorti de son silence dans le « JDD » (29/1). Pour expliquer son inertie au sujet de cette étude, rédigée en 2021 ?
Pour annoncer, comme le lui demande notamment le président du groupe socialiste à l’Assemblée, Boris Vallaud -la publication du rapport ? Pour créer « une commission d’enquête sur ce scandale », comme l’y incite le député LFI Bastien Lachaud ?
Que nenni : pour botter en touche.
La paille et la poutre
Le Maire a surtout promis de « passer au peigne fin toutes les dépenses publiques ». Après bientôt six ans à Bercy, en voilà, une idée lumineuse ! À la toute fin de l’entretien (la question sur les autoroutes ne figure que sur le Web, pas dans la version papier de l’hebdo), le ministre a lâché : « Nous voulons mettre à contribution les sociétés d’autoroutes dans le cadre juridique applicable. Nous l’avons fait dans le projet de loi de finances 2020 : cela nous rapportera plus de 1 milliard d’euros d’ici à la fin des concessions. Ces sociétés s’opposent à cette décision de l’État devant les tribunaux (…). Ce rapport de l’IGF nous sert à livrer ce combat jusqu’au bout pour qu’elles contribuent à la hauteur de leurs moyens. »
Un milliard d’ici à dix ans ?
C’est beau ! Mais parfaitement dérisoire par rapport aux rentes indues que les inspecteurs des Finances et du ministère de la Transition écologique ont pointées du doigt : 55 milliards ! Et carrément faiblard par rapport au raccourcissement des concessions qu’ils suggéraient : dix ans pour le groupe ASF, neuf ans pour APRR.
Rappelons que ce ratiboisage est tout à fait envisageable légalement, au titre de la « jurisprudence Olivet » du Conseil d’État. Comme le notent les inspecteurs, « la menace d’une résiliation anticipée » pourrait pousser les sociétés concessionnaires « à accepter une réduction par avenant des tarifs, qui représenterait pour elles un moindre mal. » Le milliard d’économies évoqué par Bruno Le Maire n’a rien à voir avec cette proposition du rapport.
Il résulte de l’indexation partielle de la taxe d’aménagement du territoire (TAT) sur l’inflation, effectivement mise en place par la loi de finances initiale pour 2020. Problème, les rois du bitume, comme l’a dit le ministre, contestent cette augmentation de taxe et demandent des compensations financières à l’État !
Il résulte de l’indexation partielle de la taxe d’aménagement du territoire (TAT) sur l’inflation, effectivement mise en place par la loi de finances initiale pour 2020. Problème, les rois du bitume, comme l’a dit le ministre, contestent cette augmentation de taxe et demandent des compensations financières à l’État !
À l’appui : des clauses figurant dans un protocole d’accord conclu, en 2015, entre les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) et les ministères de l’Économie et de l’Écologie. D’après ces dispositions, toute « dégradation de l’équilibre économique et financier de la concession » doit se traduire par un dédommagement financier. Un splendide-cadeau autorisant les SCA à contester le fameux milliard d’euros auquel Le Maire fait allusion !
Devinette : qui sont les signataires de ce protocole si généreux pour les autoroutiers ?
Réponse : Emmanuel Macron (alors à Bercy) et Ségolène Royal (Écologie), épaulée par sa directrice de cabinet, une certaine Elisabeth Borne. On comprend mieux que Le Maire, avare en commentaires, ait préféré stationner sur la bande d’arrêt d’urgence…
L’autre ministre sort les rames
Interrogé sur le contenu du rapport de l’Inspection générale des finances et des inspecteurs du ministère de l’Écologie, Clément Beaune, le ministre des Transports, a semblé un poil gêné (LCI, 29/1) « À ma connaissance, il y a une autorité de régulation indépendante (celle des Transports, l’ART), c’est encore mieux qu’une inspection interne à un ministère. » Et l’ART a conclu qu’ « il n’y avait] pas de surprofits, au sens de profits indus ».
Réplique du journaliste « Donc l’Inspection générale des finances dit n’importe quoi ? » Et Beaune d’assurer « Non, pas du tout ! ».
En bon macroniste, le ministre des Transports considère donc qu’il y a des surprofits et « en même temps » pas de surprofits.
C’est simple comme une facture de péage.
Clara Bamberger. Le Canard enchaîné. 01/02/2023
On appelle ça « prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages ». En clair ils nous prennent pour des idiots, des vaches à lait pour les copains de Macron.