Dussopt : Ce mal-aimé ardéchois

Pour beaucoup d’Annonéens  (07), leur ex-maire, ex-conseiller départemental, puis ex-député, avant d’être ministre du Travail, Olivier Dussopt, estampillé PS, n’a jamais été un homme de gauche social. Dans le monde salarial, le personnage est détesté. À Annonay, aucun étonnement à ce qu’il fut inquiété par la justice, à la suite de « quelques avantages » tirés antérieurement à sa nomination de ministre, comme son action positive dans le projet de retraite gouvernementale. MC

[…] Le fait qu’Olivier Dussopt soit dans le viseur de la justice financière est tout sauf une surprise pour l’exécutif.

[…] [En effet] le PNF avait ouvert en juin 2020 une enquête préliminaire pour vérifier la nature exacte des relations entre l’homme politique, du temps où il était député et maire d’Annonay (Ardèche), et le groupe privé. […] [il] s’était fait offrir, en 2017, deux œuvres de son peintre préféré, Gérard Garouste, par un dirigeant de la Saur, alors en affaires avec la municipalité dirigée par le même Dussopt.

Après avoir évoqué auprès de Médiapart un présent offert par un « ami » – ce que l’« ami » démentait –, le ministre avait fini par reconnaître un « cadeau de l’entreprise » et annoncé la restitution des œuvres. 

Après analyse juridique, le PNF a estimé que la valeur des lithographies de Garouste – moins de 1000 euros au total – n’était pas suffisante pour caractériser un éventuel délit de corruption initialement envisagé.

Mais la justice a découvert que ce cadeau s’inscrivait en réalité dans une longue traîne de relations potentiellement compromettantes entretenues par Olivier Dussopt avec la Saur.   

À l’occasion d’une perquisition menée chez le ministre, les enquêteurs de l’Office anticorruption (OCLCIFF) de la police judiciaire ont notamment mis la main sur des échanges entre Olivier Dussopt et l’entreprise semblant laisser peu de doute sur l’existence d’un arrangement autour d’un marché public daté de 2009-2010, d’après nos informations. 

[…]

D’après le Code pénal, le délit de favoritisme, qui entre dans le champ des atteintes à la probité, est passible de deux ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende. Comme toute personne mise en cause judiciairement, Olivier Dussopt est présumé innocent. 

[…]

Comme Médiapart l’a déjà raconté, l’entreprise entretient des liens importants avec la commune d’Annonay depuis plusieurs décennies. Le groupe a longtemps été délégataire du service de l’eau. Mais après un rapport défavorable de la chambre régionale des comptes en 1998, puis sous la pression de l’Association des usagers de l’eau de la région d’Annonay, Olivier Dussopt, élu maire de la ville en 2008, n’avait pas prolongé le contrat d’affermage avec la Saur, arrivé à échéance fin 2009. 

Il avait décidé de passer en régie publique, tout en signant avec la Saur un contrat de prestation de service pour cinq années pour l’exploitation des ouvrages d’eau potable (comprenant fonctionnement, surveillance, entretien des ouvrages, et gestion clientèle du service). Ce contrat, renouvelé en 2016, lui avait attiré les foudres de l’association des usagers de l’eau de la région d’Annonay, qui avait dénoncé un « tour de passe-passe ».

En 2011, l’association s’était aussi inquiétée de voir la Saur sponsoriser la « lettre » distribuée aux citoyens par le député de la deuxième circonscription de l’Ardèche. « C’est choquant car, au final, c’est bien l’usager qui paye ces publicités avec sa facture d’eau, et qu’en faisant le choix de financer ses publications par ce moyen, le maire d’Annonay se rend prisonnier d’une certaine logique », expliquait l’association. Le ministre avait pris ses distances avec cette publication, réalisée par « une société spécialisée dans l’édition de telles publications ».


Fabrice Arfi, Antton Rouget, Ellen Salvi et Marine Turchi. Médiapart. Source (extraits)


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