… Moraliste, passer votre chemin !
Le business, j’ai ça dans le sang.
J’ai le nez pour les bonnes affaires, je suis capable de vendre de la neige à un Inuit. La voiture électrique, ça fait trente ans que je l’avais vue venir, je ne me suis pas lancé dedans parce que j’avais pas les fonds mais en 1991 j’en parlais déjà.
Idem pour les smartphones, les sex-toys féminins, la restauration à domicile, tout ça je l’avais prévu.
Le truc sur lequel je suis en ce moment c’est la vente d’air pur de haute montagne.
Quatre-vingts euros pour une bonbonne qui renouvelle intégralement l’air de votre appartement de cent mètres carrés pendant trois jours. Il faut juste vivre fenêtres fermées soixante-douze heures.
Je propose même une variante parfumée à l’edelweiss qui marche du feu de Dieu. Qui connaît le parfum de l’edelweiss, franche ment ?
Dans les grandes agglomérations mes commerciaux ne débandent plus. Le carnet de commandes est plein pour deux mois, j’ai ouvert huit succursales en un trimestre et j’embauche au moins dix gars par semaine.
Le truc avec ce genre d’affaires c’est qu’il faut savoir s’arrêter juste avant la prise de conscience de l’arnaque, tout se joue là.
J’ai encore peu de marge.
De toute façon je sais déjà ce que je mettrai sur le marché après, de l’eau de source provenant du nord de la Finlande, l’endroit le moins pollué de la planète.
Mais pas qu’à boire, pour se laver aussi, vendue en conteneur de cent Iitres.
J’ai déjà un copain dermatologue radié qui travaille à me trouver tous les arguments de bénéfices pour la peau. De l’eau de source bio, évidemment.
David Thomas. Recueil « Partout les autres » Ed. de l’Olivier. Titre original de la nouvelle « Des bonbonnes d’air pur »