Vase communicant

Trop de monde dans la rue et pas assez à l’Assemblée, dans les rangs de la majorité pas absolue.

 C’est l’équation à laquelle Borne et Macron sont confrontés avec leur réforme des retraites, et elle est évidemment moins simple à résoudre qu’à énoncer. D’autant que, même s’il s’agit d’un exercice en temps limité, 50 jours chrono, pas un de plus, il a tendance à se compliquer à chaque instant pour Matignon et pour l’Elysée.

Ainsi, le problème, qui semblait s’orienter voilà quinze jours vers une solution arithmétique avec l’addition des voix de LR à celles de la majorité, n’est plus si simple. Voilà que, malgré l’accord avec Ciotti et Marleix, Borne est moins sûre de pouvoir compter sur les 62 voix de LR pour voter le texte de son gouvernement.

Et voilà que, en plus d’une vingtaine d’énervés de droite qui répètent que, même si ce projet va dans le sens de leurs idées sur le sujet, ils refuseront de le voter, quelques élus macronistes ou affiliés affirment vouloir en faire autant.

Même s’ils se comptent sur les doigts de la main, les calculs sont serrés et une erreur est vite arrivée. Les motivations sont diverses, et la critique du projet peut parfois se mêler à un désir de se faire connaître ou de rappeler son existence. Il n’en reste pas moins que, pour Matignon et l’Elysée, chaque voix compte.

Et que, même en durcissant le ton sur le report de l’âge légal à 64 ans, qui n’est « plus négociable », ou sur ce projet « indispensable quand on se compare à l’Europe », l’exécutif se voit obligé de remobiliser et les députés LR récalcitrants et les élus macronistes hésitants pour qu’ils ne soient pas influencés par la mobilisation de la rue. Et de faire des concessions.

Revenir sur la perte de trimestres octroyés aux mères de famille ou sur les 44 annuités pour les salariés qui ont commencé tôt suffira peut-être, sinon sûrement, à ramener plus d’un de ces « égarés » à de meilleurs sentiments. Mais, bien sûr, pas à calmer la rue et les syndicats, qui ne désarment pas. Ni à faire redescendre les sondages sur l’hostilité plus que persistante à l’égard de cette réforme des retraites, qui, contrairement aux précédentes, ne dispose pas d’une majorité absolue pour s’imposer.

D’où l’obligation pour la Macronie de faire vite, alors que l’opposition, à l’Assemblée comme dans la rue, entend faire durer. L’obligation aussi de faire voter le texte dans les temps et sans avoir recours ni aux ordonnances ni au 49.3, un passage en force qui ne manquerait pas de renforcer encore cette hostilité au projet.

D’autant plus que cette hostilité se mêle à la crispation envers Macron, comme l’impopularité de la réforme à celle du gouvernement.

Même si les sondages laissent entendre que les opposants à la réforme, majoritaires, sont aussi majoritairement convaincus qu’elle sera adoptée, pour Borne, au premier rang, comme pour Macron, qui, en retrait, dirige les opérations, pour l’immédiat, l’équation entre l’Assemblée et la rue n’est pas encore résolue.


Éditorial Erik Emptaz. Le Canard enchaîné. 01/02/2023


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