Une cinquantaine de vies superposées
Hier, je suis retourné dans la petite ville où j’ai passé mon enfance et mon adolescence.
J’y suis resté jusqu’à dix-neuf ans, en 1990.
Je m’en souviens bien parce qu’à la télé, ils passaient en boucle des images de la guerre du Golfe entre les États-Unis et l’Irak.
Mes parents possédaient une maison en rocaille entourée d’un jardin entretenu sous les branches protectrices de deux grands cèdres. Ma sœur, mes parents et moi avons été heureux ici.
C’est à cette maison, à ce quartier et à cette ville que je dois les souvenirs qui vous façonnent, qui vous modèlent. Impossible de comprendre qui je suis sans avoir vu ce décor.
En 1998, quand ils ont pris leur retraite, mes parents ont vendu la maison pour s’installer près de Nice. C’est souvent comme ça, les gens ont deux maisons dans une vie, une pour élever les enfants et une autre pour vieillir.
Nous possédons évidemment beaucoup de photos et de vidéos de cet endroit mais je n’y étais pas retourné depuis la vente. J’ai profité de ce séminaire pour faire un détour par le 47 rue du Chemin creux.
La maison avait été rasée pour laisser place à un immeuble prétentieux composé de niveaux décalés, de terrasses arborées, conçu pour les CSP+ connectées.
Une cinquantaine de personnes devaient bien vivre ici maintenant. Une cinquantaine de vies superposées sur la mienne.
Une cinquantaine de vies qui écrasaient la mienne.
David Thomas. Recueil « Partout les autres » Ed. de l’Olivier