Partage de territoire…

… seul moyen d’assurer la paix entre Israël et Palestine.

C’est toujours avec des morts qu’on reparle d’Israël et de la Palestine.

C’est seulement à l’occasion d’attentats ou de représailles que cette partie du monde se rappelle à notre souvenir. Comme si la violence était la seule chose bien vivante là-bas. Derrière le calme apparent de ces dernières années, les Palestiniens n’ont pas renoncé à leur droit d’avoir un pays indépendant.

On sait que les forces de sécurité israéliennes interpellent et arrêtent régulièrement des personnes soupçonnées d’avoir des projets d’attaque contre Israël. Et que les colonies n’ont jamais cessé de sortir de terre.

Depuis plus de soixante-dix ans, chaque génération de Palestiniens et d’Israéliens revit la même chose : lutter pour l’existence de son pays. Les rides et les dos voûtés des uns et des autres racontent la même histoire : des guerres, des morts, des attentats, des représailles, des roquettes et des arrestations.

Les Palestiniens et les Israéliens de 2023, ceux de la génération Z, qui ont autour de 20 ans, reprennent la lutte là où leurs parents et leurs grands-parents l’avaient laissée. La différence est qu’aujourd’hui les colonies n’ont jamais été aussi nombreuses, que des pays arabes font du business avec Israël et que ceux prêts à se mouiller pour défendre la cause palestinienne sont de plus en plus rares.

Les Palestiniens n’ont pas d’autre alliée que la compassion qu’on veut bien leur accorder, ce qui, en langage diplomatique, ne pèse pas bien lourd.

C’est toujours par un partage de territoire que la paix a pu être obtenue

On aimerait comprendre comment une cause juste, celle qui consiste à défendre son pays, sa sécurité et son indépendance, est devenue si difficile à mettre en œuvre des deux côtés du mur. Pourtant, les conflits où se sont entretués des peuples, mais qui ont fini par se résoudre un beau jour, ne manquent pas dans l’histoire moderne. Et c’est toujours par un partage de territoire que la paix a pu être obtenue.

En 1947, la partition d’une partie de l’Inde aboutit à la création du Pakistan, au profit de la communauté musulmane, et ce au prix de centaines de milliers de morts et de 12,5 millions de personnes déplacées.

En 2011, le Soudan s’est séparé d’un quart de son territoire pour le destiner aux chrétiens, et réserver l’autre partie, située au nord, aux musulmans. En Yougoslavie, la guerre entre les Serbes orthodoxes, les Croates catholiques et les Bosniaques musulmans s’est terminée, après une boucherie et quelques charniers, par un partage du pays défini dans les accords de Dayton de 1995.

Pourquoi ce qui est possible ailleurs dans le monde ne l’est toujours pas entre Israéliens et Palestiniens ? Il y a quelque chose qui pervertit ce conflit depuis le début : chaque camp n’envisage son existence qu’après la destruction totale de son adversaire. Israël n’imagine pas cohabiter avec une Palestine indépendante qui userait des prérogatives de n’importe quel État libre, comme celle de posséder une année équipée de matériels militaires modernes, bien plus performants que les roquettes artisanales qui tombent sur l’État hébreu en provenance de la bande de Gaza.

Quant aux Palestiniens, un certain nombre d’entre eux n’imaginent pas une Palestine sans avoir au préalable détruit Israël, qui, selon eux, a été créé en 1948 par les Occidentaux pour donner aux Juifs un territoire, et se faire pardonner leur rôle dans la Shoah. On pouvait espérer que les nouvelles générations de Palestiniens et d’Israéliens, celles qui n’ont pas connu les guerres de 1948, de 1967 et de 1973, aient l’esprit plus libre que leurs aînés, s’affranchissent des rancœurs passées et trouvent enfin le moyen de discuter et de mettre fm à ce conflit infernal.

Cela ne semble pas être le cas. Comme si chaque génération était prisonnière des précédentes et se devait de poursuivre la même stratégie comme on perpétue une tradition familiale. Obéir à sa famille ou obéir à sa conscience ? La famille ou la paix ? Les jeunes Palestiniens et Israéliens d’aujourd’hui donneront-ils une meilleure réponse à cette question que leurs pères ?

On aimerait bien croire qu’on pourra voir un jour cela de notre vivant.


Éditorial de Riss. Charlie hebdo. 01/02/2023


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