Retraites : Une réforme actée en douce !

Alors que les syndicats, unanimes, sont mobilisés contre la réforme des retraites de Macron, certains d’entre eux en ont accepté discrètement une autre : la réforme de la retraite complémentaire Agirc-Arrco. Laquelle entérine une baisse sévère des pensions et le recul de l’âge de départ à taux plein.

L’Agirc-Arrco, gérée paritairement par les syndicats salariés (40 % des cotisations) et patronaux (60 %), verse le quart des retraites françaises, à 13 millions de bénéficiaires. Mais, contrairement au régime général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), elle ajuste chaque année l’âge de départ à la retraite et ses cotisations selon ce qu’elle appelle un « pilotage tactique », pour obtenir un niveau de réserve égal à au moins six mois de pension.

Engagement rempli : avec 70 milliards de réserves pour 85 milliards de pensions versées, elle apparaît comme particulièrement bien gérée. « Ça n’est pas une question de gestion, corrige un membre du Conseil d’orientation des retraites (COR), mais de décision politique. Elle serre la vis bien plus que l’Etat n’ose le faire. »

Ainsi, en 1982, quand l’âge de départ est passé à 60 ans, la caisse de retraite complémentaire, contrairement au régime général, a levé une nouvelle cotisation – afin de couvrir ce départ avancé.

Tout vient à points

En 2015, pour éponger plusieurs années de déficit au lendemain de la crise financière, elle a instauré un « coefficient de solidarité » permettant de reculer l’âge de départ : les salariés désirant partir avant 63 ans (alors que l’âge légal est de 62 ans) voient donc leur retraite amputée de 10 % pendant trois ans.

Côté cotisations, la vis est tout aussi serrée. L’Agirc-Arrco est un système à points : le salarié achète chaque mois le nombre de points correspondant à son salaire, chacun d’entre eux lui donnant droit, dans le futur, à un certain montant de retraite.

Le prix de chaque point -sa « valeur d’achat » -étant en principe égal à un montant de retraite qu’on appelle sa « valeur de service ». C’était le cas jusqu’en 1971. Mais, depuis, la valeur d’achat du point n’a pas arrêté d’augmenter, progressivement et en douceur, par rapport à sa valeur de service.

En clair, il a fallu payer de plus en plus cher pour obtenir le même montant de pension. Conséquence, selon le dernier rapport du COR : « Pour 1 euro de cotisation, les droits acquis sont environ deux fois moins élevés qu’il y a trente ans. » Encore plus sévère que le régime de base, qui, lui, n’a baissé que d’un quart. Et la chute affecte surtout les cadres du privé : l’Agirc-Arrco représente environ 60 % de leur pension totale.

Restrictions clandestines

Tout cela sans les manifestations et les grèves qui accompagnent chaque réforme du régime général. « Ça se fait discrètement. D’autant plus que personne ne comprend rien à la manipulation du « taux d’appel » ou du « coefficient de soutenabilité », qui font baisser les pensions. Alors personne ne proteste », analyse un membre du COR.

Mais le plus étonnant est le silence des syndicats. Que ce soient les signataires de l’accord de 2015 (la CFDT, aujourd’hui à la pointe contre la réforme Macron, la CFTC et la CGC), mais aussi ceux qui, bien qu’ayant refusé d’apposer leur signature (CGT et FO), n’en continuent pas moins de siéger à l’Agirc-Arrco et, donc, d’appliquer ses décisions.

Cet ancien responsable de la caisse de retraite a son idée : « Ils ne veulent pas quitter les institutions paritaires, qui leur donnent un poids politique et financier. Mais leur légitimité pour y rester est leur capacité à équilibrer les comptes. Ils doivent donc voir les réalités en face. Alors que, quand on peut faire plaisir à ses troupes en se défaussant sur l’Etat, comme dans le régime général, tout est plus facile . » Sauf pour l’Etat !


Hervé Martin. Le Canard enchaîné. 25/01/2023


2 réflexions sur “Retraites : Une réforme actée en douce !

  1. bernarddominik 30/01/2023 / 09:36

    Cet article montre bien le paradigme des syndicats français, d’un côté une opposition à tout recul social, et de l’autre, plus discrète, l’adaptation aux conditions socio économiques.
    C’est comme pour les impôts, ils ont accepté que les actionnaires paient une taxe uniforme de 12,8% à la place du barème progressif de l’impôt sur le revenu, tout en créant que les 17,2% de taxes sociales sont insuffisants, tout en sachant donc que ce taux ne peut augmenter vu son importance.
    Étrange façon de voir qui arrange bien le gouvernement le patronat et les gros actionnaires

    • Libres jugements 30/01/2023 / 10:33

      Deux choses sont dites dans cet article qui me fait réagir envers les syndicats dont les « non » signataires de cet aménagement, pour ne pas avoir alerté l’opinion publique…
      Citations « Alors que les syndicats, unanimes, sont mobilisés contre la réforme des retraites de Macron, certains d’entre eux en ont accepté discrètement une autre… » et « … ceux qui, bien qu’ayant refusé d’apposer leur signature (CGT et FO), n’en continuent pas moins de siéger à l’Agirc-Arrco. »

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