L’hydrogène

… cette énergie qui leur va si bien

Revenons sur cette belle et grande nouvelle : Chemours va investir 200 millions de dollars (185 millions d’euros) pour une nouvelle usine chez nous, dans l’Oise.

N’entrons pas dans la technique, et retenons que cela servira à fabriquer de l’hydrogène. Une courte précision : Chemours, c’est anciennement DuPont, une entreprise de la chimie exemplaire. On lui doit (la liste réelle est sans fin) la moitié de la poudre à canon utilisée pendant la guerre de Sécession américaine, à peine moins pendant la Première Guerre mondiale (côté américain), la mise au point de nombreux plastiques, dont le Nylon et le Teflon, de pesticides, le plomb ajouté aux bagnoles avec Exxon et General Motors (des millions de morts), la première bombe atomique, avec quelques autres acteurs.

Or donc, d’excellentes personnes, attentives au sort commun.

Qu’en est-il à propos de l’hydrogène ?

L’une des chefs de Chemours, Denise Dignam, nous dit tout : « [Nous avons] choisi d’investir 200 millions de dollars en France car nous avons senti un véritable alignement entre ce que nous voulons faire et ce que le gouvernement français veut faire. » Elle veut parler du vaste plan hydrogène lancé par Macron et ses petits amis, qui ont décidé d’injecter 2,1 milliards d’euros dans cette nouvelle filière.

Le Maire, qui aime tant les mots qui ne veulent rien dire, promet que la France sera le leader mondial de l’hydrogène décarboné en 2030.

Il est dur d’écrire d’aussi grands personnages que ce sont des charlatans, mais enfin, c’est vrai. On ne détaillera pas ici pourquoi l’hydrogène est la plus belle opération de désinformation depuis des lustres, car il y faudrait un livre.

Concentrons nos binocles sur un point : comment produit-on de l’hydrogène ?

C’est bête comme chou, mais il faut de l’énergie. Dans le monde, 96 % de la production d’hydrogène est obtenue à partir des fossiles habituels : gaz surtout, mais aussi pétrole ou charbon (1). C’est de très loin le moins cher.

Le « développement durable », c’est le développement qui va durer

Autrement exprimé, et pour des décennies pourtant décisives pour le climat, produire de l’hydrogène aggravera le dérèglement en cours. Tout repose sur une arnaque sémantique qui rappelle de nombreux artifices passés de l’industrie mondiale. Par exemple, le « développement durable », l’« éco-responsabilité », la « compensation carbone », l’« économie circulaire », la « transition écologique », les « taxe carbone » et « crédit carbone », etc.

Autant d’expressions visant à continuer comme avant – le « développement durable », c’est le développement qui va durer – en habillant l’opération de jolies plumes multicolores dans le cul.

Il ne s’est jamais agi de tailler dans la consommation d’énergie et la prolifération des objets matériels, mais, en l’occurrence, de décarboner. C’est-à-dire d’utiliser un hydrogène qui n’émet pas de carbone, en effet, en laissant tout l’honneur aux énergies fossiles qui l’auront fabriqué.

En France, et les zécolos officiels et de pacotille s’en foutent bien, l’hydrogène sera massivement produit à partir de l’électricité nucléaire. La garantie que les EPR seront bel et bien construits, malgré le désastre de leurs chantiers en France et en Finlande. L’hydrogène, c’est le nucléaire pour aujourd’hui, demain et après-demain.

Une dernière avant de se quitter : la farce macabre du gaz naturel liquéfié (GNL). C’est leur nouvelle coqueluche. Total vient de mettre en service son terminal d’importation de GNL en Allemagne, sur la Baltique. Pour contourner les risques géopolitiques des gazoducs, on fait venir du GNL par bateau depuis le Qatar ou les États-Unis.

Ce GNL, dont on rappelle qu’il sert à fabriquer de l’hydrogène, émet deux fois et demie plus de CO que celui des gazoducs, et les États-Unis ont multiplié par trois son exportation vers l’Europe.

Or le GNL américain vient essentiellement du gaz de schiste, que l’on imaginait banni de France. Et c’est ainsi que, par l’opération du Saint-Esprit, l’hydrogène apparaît comme le sauveur de leur monde en perdition. Abracadabra.


Fabrice Nicolino. Charlie hebdo. 25/01/2023


  1. connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/ production-de-lhydrogene

Sûr, que certains diront jamais content… à vous lectrices lecteurs de juger. MC


Une réflexion sur “L’hydrogène

  1. bernarddominik 30/01/2023 / 10:25

    Je voudrais préciser que l’hydrogène décarboné n’est pas produit avec du gaz, mais avec de l’eau par électrolyse. Il est possible de pomper de l’eau de mer et avec l’électricité produite par des panneaux solaires des éoliennes ou marémotrices de faire l’électrolyse. un litre d’hydrogène correspondrait à 7 litres d’essence, son coût actuel est d’environ 10€ le litre, hors taxes. L’espoir de Le Maire est de faire baisser le prix de moitié. Et donc en le taxant à 70% ça correspondrait à un prix du litre d’essence à un prix acceptable en maintenant le jackpot pour l’état.

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