Mon boss, je l’adore

Et si les jeunes avaient raison ?

L’extrait tourne sur les réseaux sociaux : dans la manif des retraites, Enzo, 21 ans, explique que c’est tout le rapport au travail qui doit être repensé. « On doit limiter le temps de travail, limiter le temps que l’on donne au capitalisme », dit-il. Il appelle même… à une retraite dès 50 ans, avec une semaine de vingt heures. il incarne une génération qui n’a plus le même rapport au travail. Déstabilisant, parfois, pour les aînés, qui ne comptaient pas leurs heures et se résignaient souvent à accomplir un travail perçu comme un « devoir ».

Les métiers les plus difficiles font face à des difficultés de recrutement : ainsi de ce patron d’une entreprise de BTP qui se plaint que des jeunes cessent leur activité au pied levé pour partir ailleurs, idem pour nombre de restaurateurs qui n’arrivent plus à embaucher de serveurs.

Même les métiers plus attractifs ne font plus envie, seuls quelques CV reçus pour un poste de DRH dans une grande entreprise. Ça coince aussi pour des professions telles que médecin, les nouveaux arrivants ne voulant plus subir les horaires auxquels les générations précédentes ont été astreintes, au service de leurs patients douze heures par jour.

Les jeunes seraient devenus paresseux, individualistes, entend-on parfois. En réalité, ils proposent autre chose, et il est intéressant de le comprendre et peut-être de s’en inspirer pour faire évoluer le monde du travail. Et la crise du Covid semble avoir accéléré cette mutation.

Un monde en mutation

Plusieurs sondages ont objectivé cette tendance. Ainsi, 78 % des 18-24 ans n’accepteraient pas un emploi qui n’a pas de sens pour eux, selon une enquête de Yougov pour le site Monster, en septembre 2021. Ils sont même 63 % à être prêts à accepter un poste plus précaire pour un emploi qui a du sens.

Une étude de l’Institut Montaigne, réalisée en 2022 auprès de 8 000 jeunes de 18 à 24 ans, montre que le premier critère pour choisir un travail est celui de la passion pour 42 % d’entre eux, contre 33 % pour leurs parents. Le critère du salaire compte pour seulement 25 % d’entre eux. Les jeunes attendent dorénavant que l’entreprise soit en accord avec leurs engagements, en premier lieu le respect de l’environnement.

Parmi les autres critères, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, la flexibilité et l’autonomie dans le travail. Un sondage publié par l’ADP Research Institute, qui a interrogé 32 924 actifs dans 17 pays, dont 1 951 en France, en novembre 2021, donne un chiffre surprenant : 53 % des 18-24 ans sont prêts à démissionner s’il est impossible de télétravailler dans leur entreprise (contre 38 % de l’ensemble des Français).

Selon une étude BVA pour la Fondation Jean-Jaurès et la Macif, beaucoup aspirent à un régime hybride, travail à distance et présence au bureau, c’est le cas de 4 jeunes sur 10. Intéressant de voir que les entreprises commencent à s’adapter, en proposant de plus en plus des jours de télétravail.

Le cabinet de conseil Accenture offre même à ses salariés la possibilité d’un congé de « priorité personnelle » de trois mois, rémunéré à 50 % du salaire brut, pour réaliser des projets. Une révolution à bas bruit en marche ?


Laure Daussy. Charlie hebdo. 25/01/2023


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