La peu connue Ministre des Sports qui entend faire le ménage dans les fédés sportives… et il y a du boulot… MC
Pas de doute, elle « imprime ».
Les vieux briscards du sport, les durs à cuire, gouailleurs, accrocheurs, revenus de tout, insubmersibles, les Noël Le Graët, Bernard Laporte, Claude Atcher l’ont appris à leurs dépens. Amélie Oudéa-Castéra (« AOC ») a dégagé le troisième, chargé de l’organisation de la Coupe du monde de rugby, et marginalisé les deux autres : Le Graët, qui multiplie les déclarations hors-sol et doit faire face à une enquête pour harcèlement moral et sexuel ; Laporte, patron du rugby français, reconnu coupable de corruption (il a fait appel), à huit mois de la Coupe du monde…
La ministre des Sports n’a pas obtenu leur départ, mais leur mise en retrait. Toutes ces affaires, sans oublier celle de la Fédération française des sports de glace, où l’ancien président Didier Gailhaguet, mouillé dans de multiples scandales, est soupçonné de continuer de tirer les ficelles, n’ont pas été un handicap, loin de là.
Face à tous ces cadors en bout de course, qui vivent leur placardisation comme une mort symbolique, experts dans l’art de nommer un homme de paille, elle fait souffler un vent de fraîcheur. Direction la sortie, messieurs, que les choses soient claires, vous êtes plus près de la lourde que de l’augmentation.

Oudéa-Castéra peut cogner, elle se sait soutenue.
Emmanuel Macron ? Un pote de promo à l’ENA, et elle en joue. Beaucoup. Son nom avait circulé tout au long du premier quinquennat, mais l’ancien espoir du tennis féminin, vainqueure de l’Orange Bowl, se faisait quelques sous dans le CAC 40, chez Carrefour, chez Axa, au conseil de surveillance de Lagardère, à la Fédération française de tennis (FFT), où le montant de ses émoluments, révélé par Médiapart (35 000 euros net par mois), avait provoqué la stupéfaction. Il faut dire qu’on lui avait octroyé une augmentation de 40 % par rapport à son prédécesseur. Elle avait convoqué la presse, et révélé que son salaire chez Carrefour était « trois fois plus élevé ».
Bref, à l’entendre, Oudéa-Castéra faisait du quasi-bénévolat à la FFT. Un bobard que sa récente déclaration de patrimoine a permis de révéler. Petite cachottière, va.
AOC, c’est une princesse.
Nièce des journalistes Alain et Patrice Duhamel, femme de Frédéric Oudéa, polytechnicien, inspecteur des Finances, ancien patron de la Société générale et futur boss de Sanofi. « Ces deux-là, c’est des plans de carrière sur pattes », rigole un banquier qui les connaît bien.
« Frédéric a poussé Amélie au conseil de surveillance de Lagardère, qui était ravi de la faire venir. La femme du patron de la Société générale, c’est un excellent affichage pour rassurer les investisseurs, toujours inquiets. Elle s’est montrée inexistante, et on la sentait soulagée de ne plus avoir à couvrir les errements de Lagardère quand elle est partie », se souvient un cadre dirigeant de l’entreprise.
A la Fédération française de tennis, où elle aimait recevoir, elle avait un cadre de travail somptueux. « Ça nous faisait marrer parce qu’elle avait un bureau incroyable, à côté du court central, super design, alors que le vice-président délégué de la Fédé, qui faisait tout le boulot, s’entassait dans un coin avec deux ou trois autres gars », s’amuse un journaliste.
À la FFT, la princesse agace souverainement les permanents et les présidents de ligue, car elle « sait ». Un jour où le ton était un peu monté, et alors qu’elle n’obtenait pas gain de cause, elle a pleuré. De rage. N’est-elle pas énarque, ancienne magistrate à la Cour des comptes ?
La victoire par chaos
Le soir de la réélection d’Emmanuel Macron, Amélie Oudéa-Castéra a dansé au Champ-de-Mars avec tous les artisans de la victoire de Manu. C’était un magnifique moment, elle allait devenir ministre, super pour le CV. L’entrée en matière a été rude : quelques semaines après sa nomination aux Sports, c’est le chaos au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions entre Liverpool et le Real Madrid.
Interrogée sur ce qu’on appelle pudiquement les « événements » et les gros mensonges de Darmanin incriminant les supporteurs britanniques, elle livre un chef-d’œuvre de langue de bois : « Nous avons passé un petit peu trop de temps (les deux ou trois jours qui ont suivi) dans la compréhension de ce qu’il s’était passé plutôt que dans l’empathie. » C’est pas joli, ça ?
AOC n’aime pas trop être contredite, ni même critiquée. Elle n’a guère apprécié la réaction peu enthousiaste de l’Elysée lorsqu’elle s’est affichée, en décembre, au Qatar avec un pull aux manches arc-en-ciel, en soutien au mouvement LGBT+. « C’était un peu facile, un peu too much », tacle un macroniste. On ne peut pas « imprimer » à chaque fois.
Article: Anne-Sophie Mercier, dessin de Kiro. Le Canard enchaîné. 25/01/2023