France en état de marche !

Seul moyen de se faire entendre dans ce pays, envers le gouvernement et une majorité d’élus incapable de voir la réalité ; la grève est présente en ce jour et même si des usagers râlent, il est temps que la population fasse valoir le droit à une retraite décente, tant que motricité et moral le permet. MC

Elisabeth Borne n’a pas mégoté sur ses efforts pour tenter de convaincre : sa réforme des retraites est « juste ». Las, à en croire les enquêtes d’opinion, elle n’apparaît pas telle aux sondés, ce qui traduit soit une mauvaise communication, soit un mensonge. La méthode Macron, il est vrai, ne laisse pas d’interroger.

Pour persuader de la justesse de sa réforme,

  • il aurait pu s’assurer le soutien d’un syndicat de salariés, il ne l’a pas vraiment cherché ;
  • il aurait pu mettre à contribution symboliquement le patronat — comme Bayrou, désormais candidat à sa succession, le lui demande —, il s’y est refusé ;
  • il aurait pu taxer les retraités les plus aisés, dont le niveau de vie est supérieur à celui des actifs, il s’en est gardé.
  • Macron concède peu et soigne son électorat, les vieux, les cadres, les patrons, au détriment des autres, les jeunes, les moins qualifiés.
  • Au lieu de rassembler, il éparpille.

Après les gilets jaunes, le Covid et alors que l’inflation rabote de plus en plus le pouvoir d’achat, demander aux moins bien pourvus de bosser plus longtemps, c’est osé. Ça flaire le retour de la lutte des classes et cela peut être la goutte d’antisocial qui fait exploser le chaudron.

C’est quoi, une réforme « juste » ?

  • Une réforme qui n’est soutenue que par le Medef, Eric Ciotti et son compère Zemmour ?
  • La rue donnera sa réponse le 19 janvier.

La mère des batailles contre la mère des réformes, le classique de trente ans d’âge est joué une énième fois avec une nouvelle distribution. Dans le rôle du churchillien de service, droit dans ses mocassins, Macron, qui a réussi à avoir l’ensemble des syndicats contre lui, ce qui n’était pas arrivé depuis 2010, et à unir des partis de gauche divisés. Pour mieux faire oublier peut-être la réforme Touraine, qui avait déjà matraqué les futurs retraités.

Macron confirme l’abandon spectaculaire de la retraite à points de son premier mandat et il place le second sous la bannière du ralliement aux 64 ans, depuis longtemps réclamés par la droite.

Un ralliement si marqué que certains élus LR tempêtent avec malignité contre un texte trop peu social. « Elle est où, la justice ?» a ainsi tonné, la semaine dernière, Xavier Bertrand.

L’extrême droite lepéniste est sur la même position et espère ramasser la mise dans l’électorat populaire.

De quoi, en tout cas, conforter l’idée que la réforme Macron est d’abord une réforme des finances publiques, souhaitée par Bruxelles et « exigée » par les marchés.

Comme disait le philosophe Merleau-Ponty, « on ne peut être juste tout seul, à l’être tout seul on cesse de l’être ». Oublieux de la leçon des gilets jaunes sur la nécessité des corps intermédiaires, Macron est dans une superbe solitude. C’est le risque du second quinquennat.

La sanction des urnes ne menace plus le chef de l’Etat, il peut donc gouverner sans tenir compte, sans rendre de comptes, en prenant de court parfois jusqu’aux membres de son gouvernement. Un jeu dangereux quand la rue sert de contre-pouvoir.

La discussion parlementaire devrait apporter son lot de concessions, plus ou moins mineures, pour rendre la réforme plus juste. Mais, si la rue réussit sa démonstration de force, l’ouverture tardive apparaîtra comme une faiblesse, voire une reculade, et quand on commence à reculer, demandez à Juppé, la dissolution pointe vite le bout de son nez.


Editorial de Jean-Michel Thénard – Le Canard Enchainé. 18/01/2023


3 réflexions sur “France en état de marche !

  1. Anonyme 19/01/2023 / 16h09

    Mobilisation record à Rouen

  2. bernarddominik 19/01/2023 / 16h36

    Qui a raison? Les uns affirment que nos régimes de retraite seront en déficit dès 2025, d’autres affirment qu’ils seront équilibrés jusqu’en 2050. Les uns affirment que les régimes spéciaux sont déjà en déficit, les autres que leur avenir financier n’est pas en cause puisque la solidarité nationale les renfloue, et ainsi de suite. A vrai dire quand on sait compter on a vite compris où se situe le nœud de la question, et l’hypocrisie des partis mais aussi des syndicats, ne permettra pas d’éclaircir cet embrouillamini. Je persiste à croire que l’âge de départ est un faux problème, la vraie question est « qu’elle cotisation pour quelle pension », ce qui ramène au système par points pratiqué par tous les régimes de retraite par répartition du monde, sauf le notre. Mais il paraît que la France n’a pas de pétrole mais à des idées. Alors continuons à défendre les privilèges et les prébendes sous prétexte des acquis sociaux. Continuons à prendre les français pour des idiots, on a même supprimé les maths à l’école pour en être sur.

  3. bernarddominik 19/01/2023 / 17h38

    Juste une remarque: à partir de 1990 les conducteurs de trains partis à la retraite ont passé plus d’années en retraite qu’à travailler. Comment un pareil système peut il marcher? Grâce à des syndicats qui ont fait payer les petits métiers commencés jeunes, car au lieu de lier retraite à cotisation, ils ont préféré un âge pivot. Dans la réalité beaucoup de travailleurs prennent la retraite à 65 ans ceux là on les ignore. Pourtant à travers notre système ils auront permis sa continuité

Les commentaires sont fermés.