Qu’est-ce : Les fermes à sang ?

En Argentine et en Uruguay, les « fermes à sang » font du business avec le placenta de juments poulinières dont une hormone est très recherchée par les labos pour l’élevage agro-industriel. Les révélations de l’association Welfarm font heureusement bouger les lignes.

En 2015, la Tierschutzbund Zürich (TSB), association suisse, et l’allemande Animal Welfare Foundation (AWF) révèlent l’existence de « fermes à sang », en Argentine et en Uruguay. Ces fermes emprisonnent des juments qu’elles font ovuler sans répit, afin de prélever de leur placenta, lorsqu’elles sont gestantes, une hormone, l’eCG, gonadotrophine chorionique équine (equine chorionic gonadotropin), qu’elles produisent de façon naturelle. Cette hormone était, jusqu’à il y a peu encore, utilisée en France, dans nos élevages bovins, ovins, porcins et caprins, car elle fait ovuler les femelles sur commande, d’où une plus grande « production », donc un plus grand profit. C’est la substance principale du Fixplan, commercialisé par la société Laboratoires Bové.

À l’époque, Adeline Colonnat, directrice de campagne de Welfarm, Protection mondiale des animaux de ferme, l’association qui a révélé dans une vidéo l’existence de ces scandaleuses « fermes » en 2017 expliquait que : « pendant deux mois et demi, les juments subissent des prélèvements sanguins massifs hebdomadaires. Elles sont ensuite avortées, mises à la reproduction et saignées à nouveau. Et ainsi de suite jusqu’au départ pour l’abattoir. » Elles ne survivent parfois pas à ces mauvais traitements répétés. Après les révélations de ces faits, les laboratoires américain et allemand ont stoppé net de se fournir dans ces fermes. Et le laboratoire français Ceva Santé animale annonça dans la foulée qu’il allait également cesser de s’y approvisionner.

Inlassablement, Welfarm, soutenue par 29 000 membres et donateurs, poursuit sa campagne. En 2018, elle publie de nouvelles images, très choquantes, de maltraitance, des associations Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich. Qui détient ces sinistres fermes à sang ? Syntex, un groupe pharmaceutique mondial. Il « organise les exportations d’hormone eCG vers la France et est titulaire des autorisations de mise sur le marché [la fameuse AMM !] du produit Fixplan au sein de l’UE ».

Le 2 décembre 2022, Romain François, chargé des relations presse de Welfarm, notait que de « nouvelles investigations menées en 2021 et 2022 en Uruguay et en Argentine, révélées […] à l’appui d’une vidéo, ont en effet malheureusement montré que les souffrances des juments gestantes dans les fermes à sang d’Amérique latine persistent dans les mêmes conditions qu’en 2018 ».

Le 9 décembre,les Laboratoires Bové annoncent, dans un courrier à Welfarm, « l’arrêt de la distribution du produit FIXPLAN ». De plus, et c’est important, ils s’engagent également à détruire leur stock.

D’ici à quelques mois, la commercialisation de Fixplan en France sera donc finie. Welfarm s’en réjouit, mais son enthousiasme est modéré : elle craint que Syntex ne se tourne vers une autre société française. À suivre…


Luce Lapin. Charlie hebdo. 11/01/2023. Source Web