Pas si simple !

… atomes crochus… bons baisers de la France à Pontine.

Malgré la guerre en Ukraine, EDF a acheté depuis le début de l’année 290 tonnes d’uranium enrichi à la Russie, pour 345 millions d’euros. Des emplettes en pleine croissance !

DF ne le crie pas sur les toits, mais, malgré la guerre en Ukraine, nos centrales nucléaires carburent encore à l’uranium russe. Et pas qu’un peu D’après les chiffres des douanes, dans lesquels Le Canard » a fourré le bec, la France a presque triplé ses importations russes d’uranium enrichi ces derniers mois.

En 2021, nos achats aux Russes étaient de 110 tonnes (coût : 92 millions d’euros). Ils se sont élevés à 290 tonnes pour les neuf premiers mois de cette année, rapportant, hausse du minerai aidant, 345 millions ! Lorsque nos 56 réacteurs fonctionnent à plein régime (ce qui est loin d’être le cas en ce moment), EDF a besoin de 1 030 tonnes de combustible atomique par an. En clair, Poutine nous a fourni cette aimée le tiers du carburant nécessaire à tout notre parc nucléaire. Spassiba, Vladimir…

Mouvements de fioul

Pourtant, dès le 1er mars 2022, une résolution du Parlement européen invitait « les Etats membres à mettre un terme à toute collaboration avec la Russie dans le domaine nucléaire ». Sauf que, dans le domaine énergétique, rien ne s’est passé comme prévu. Ainsi, un embargo sur le charbon est bien entré en vigueur au mois d’août. Mais il a fallu patienter neuf mois, jusqu’au 5 décembre, pour que les tankers russes ne puissent plus décharger leur fioul en Europe.

Et encore, le robinet des oléoducs n’est toujours pas fermé ! Le gaz russe, lui, continue de chauffer une partie de l’Europe en dépit des volontés de Macron.

Quant à l’uranium, c’est Berlin qui, poussé par les Verts, met la pression sur Paris pour que cesse le petit business atomique avec Moscou. Le gouvernement d’Olaf Scholz est d’autant plus insistant qu’il ne reste plus que trois réacteurs nucléaires en activité dans le pays…

Mais pourquoi EDF tient-il autant à faire ses courses en Russie ?

Tout simplement parce que cela coûte moins cher. Le groupe français Orano (ex-Areva) possède la plus grande usine européenne d’enrichissement, qui fournit, de l’aveu même de son directeur général, Philippe Knoche, 40 % du combustible des centrales tricolores.

Mais le leader incontesté sur le marché reste le géant russe Rosatom, qui, grâce à ses immenses centrifugeuses héritées de l’Union soviétique, peut enrichir à prix cassé l’uranium naturel.

La recette est la suivante : une fois extrait, le minerai d’uranium est broyé, traité pour donner du yellow cake. Ce gâteau jaune, lui-même transformé en hexafluorure d’uranium, est ensuite expédié en centrifugeuse et s’enrichit (de 3 à 5 %) d’uranium 235 radioactif.

Pour obtenir les 1 030 tonnes d’uranium enrichi dont EDF a besoin chaque année, il faut extraire « environ 8 000 tonnes d’uranium naturel, soit 13 à 14 % de la production mondiale », précise Jean-Claude Zerbib, membre du groupe d’experts Global Chance, qui vient de publier une étude sur « l’approvisionnement en uranium de la France ». C’est le Kazakhstan, un pays sous influence russe (malgré de gros différends sur l’Ukraine), qui fournit à EDF 43 % de son uranium naturel. Lequel est expédié en Russie pour y être enrichi.

Rayonnement très bêta…

Le plus vaste pays du monde contrôle en effet 40 % du marché international de la conversion d’uranium et 46 % de celui de l’enrichissement, selon les derniers relevés de la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). Encore plus que la France, les Etats-Unis, qui alignent 93 réacteurs, sont dépendants du précieux carburant nucléaire fourni par Moscou.

Non seulement la Russie nous en procure à bon marché, mais en plus elle nous débarrasse d’une bonne partie de notre combustible ionisant usagé. Rosatom possède en effet la plus grande usine au monde capable de retraiter l’uranium ayant déjà servi dans les réacteurs. « Une effroyable poubelle nucléaire », commente Pauline Boyer, chargée de campagne à Greenpeace.

Selon Global Chance, entre 2000 et 2012, Orano et EDF ont expédié chacun en Russie 4 804 tonnes d’uranium usagé et récupéré en retour 650 tonnes d’uranium retraité et ré-enrichi.

La dernière livraison radioactive russe à Dunkerque a eu lieu pas plus tard que le 29 novembre. Malgré les beaux discours, pas question d’embargo. La France veut rester un électron libre ?


Odile Benyahia-Kouider et Christophe Labbé. Le Canard Enchaîné. 07/12/2022


Une réflexion sur “Pas si simple !

  1. bernarddominik 13/12/2022 / 7h52

    Et oui, il faudra choisir notre confort ou soutenir l’Ukraine.
    Poutine le sait, l’occident a besoin de la Russie.
    Nous avons nous-mêmes torpillé notre filière d’enrichissement de l’uranium.

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