Conseils d’ami…

Vivre sans électricité, c’est le défi de la semaine. Peut-être même du siècle.

Embarqués sur un bateau qui navigue à vue, nous allons devoir tirer à la courte paille pour savoir qui sera sacrifié pour sauver l’équipage. On parle déjà de coupures d’électricité dans les écoles et de commerces équipés de groupes électrogènes.

Notre confort ressemble de plus en plus à un piège dans lequel nous sommes tombés, un peu comme des mouches dans une bouteille, qui ne savent plus retrouver leur chemin pour en sortir.

Lors d’un hiver particulièrement rigoureux qui frappa la France dans les années 1980, je me réveillais le matin dans ma chambre d’étudiant avec une température de 9 °C, après une nuit passée sous 15 couvertures empilées les unes sur les autres. Le chauffage au gaz était défectueux, et je préférais l’éteindre et affronter le froid que de prendre le risque d’être asphyxié dans mon sommeil.

Ceux qui sortiront vivants du XXIe siècle seront ceux qui n’auront pas peur de se lever de leur lit avec de la buée qui sort de la bouche. Mais aussi ceux qui ne craindront pas de se laver à l’eau froide ni de manger des sardines et du camembert directement dans la boîte.

Ce n’est pas Elon Musk et quelques milliardaires abrutis qui sauveront l’humanité, mais les SDF, car eux savent comment survivre avec un carton, des couvertures, un saucisson et un litre de bière. Leur bilan carbone est un exploit dont nous devrions nous inspirer pour être prêts le jour où nous serons obligés d’en faire autant.

Qu’est-ce qui est essentiel ?

D’abord, se laver, mais pas n’importe comment. Uniquement les parties du corps qui sécrètent de la sueur et où les frottements peuvent provoquer des irritations. Lavez-vous en priorité les aisselles, les pieds, les parties génitales et le cul. Le reste attendra.

Pour bien dormir, les poules seront vos muses : levées avec les rayons du soleil, couchées avec le crépuscule. Huit heures de sommeil n’ont jamais fait de mal à personne, et pour ça, un bon duvet n’a pas son pareil : au début, on se les gèle, mais vingt minutes après, la chaleur du corps le transforme en igloo, et on s’y endort comme un bébé, par – 10 °C à l’extérieur.

Pour s’alimenter, des boîtes de conserve feront l’affaire, et pour les réchauffer, une bougie suffira. Un fruit pour tout dessert, et votre ventre sera rempli pour la journée.

Pour les distractions, oubliez les ordinateurs et tout ce qui fait fonctionner des centrales nucléaires : un jeu d’échecs permet de jouer à deux personnes, une belote ou un poker, à quatre. Pour les intellos, nous recommandons un livre. Il y en a des milliers que vous n’avez pas encore lus et qui seront l’occasion de discussions avec vos congénères, ce qui favorisera votre sociabilité.

Pour le sexe, pas besoin d’électricité, les hormones vous donneront l’énergie d’une centrale nucléaire pour faire des étincelles. Une bonne bite et une belle chatte réveilleront vos sens et vous feront découvrir que vous êtes capable de faire beaucoup de choses par – 10 °C et sans électricité.

Manger, dormir, réfléchir et niquer, finalement, on peut faire tout ça sans brûler un kilowatt-heure.

Alors, pourquoi sommes-nous à ce point terrorisés à l’idée de nous restreindre ? Pourquoi une invention aussi géniale qu’une bobine de fil de cuivre qui tourne au milieu d’aimants et qui produit du courant est-elle devenue une source d’angoisse pour toute l’humanité ?

La capacité d’adaptation indique le niveau d’intelligence d’un individu. La nôtre semble s’amenuiser de jour en jour, ce qui signifierait que nous ne sommes pas aussi malins qu’on voudrait le croire.

En réalité, notre niveau de consommation d’énergie n’a pas été conçu pour satisfaire nos besoins vitaux, mais ceux du marché, qui a besoin de millions de consommateurs pour exister.

Un individu qui a froid est un individu qui ne rapporte pas assez d’argent à la machine économique.


Editorial de Riss. Charlie Hebdo Web. Source


2 réflexions sur “Conseils d’ami…

  1. bernarddominik 09/12/2022 / 11h12

    Élevé chez mes grands parents dans un village du haut Var j’ai été habitué aux chambres glaciales car on ne chauffait que la cuisine-salle de séjour. Les chambres étaient à l’étage la cuisine au rdc. Il n’y avait ni salle de bain ni eau chaude. L’électricité ne servait qu’à la lumière, il n’y avait ni radio ni tv ni téléphone ni ustensile électrique, tout se faisait à la main. Et on vivait différemment, plus pauvre mais sans publicité et donc sans désir de consommer au delà de nos besoins. Le monde a changé et je ne sais pas si je serais capable de revivre comme ça, en tout cas il faudrait que beaucoup de choses changent.

    • Libres jugements 09/12/2022 / 15h05

      Je suis aussi de la génération qui a connu le poêle à boulet d’anthracite trônant dans la pièce commune. Lorsque nous allions mon frère et moi, dans notre chambre, nous étions équipés chaudement avant de nous glisser dans des draps glacé ou seule une brique enroulée de papier journal, permettait un point de chaleur que nous réservions à nos pieds gelés le temps qu’elle refroidisse. Il n’était pas rare en s’éveillant de constater la froidure de la pièce était froide, notamment sur les vitres constellées de givre intérieur. Pour le reste, bien que vivant en région parisienne, la description que tu en fais Bernard, était pratiquement la même.
      Quant à revivre cette période, s’il le fallait, nous le réfèrerions… comment vivent celles et ceux qui sont sous les bombes dans différents pays, y compris l’Ukraine.

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