Le financement militaire…

La nouvelle loi de programmation militaire, qui sera présentée au Parlement au début de l’an prochain, aiguise dès maintenant les appétits des grands pontes du métier.

En effet, il est question d’évaluer les besoins des armées pour les années concernées (de 2024 à 2030), soit à 435 milliards d’euros (chiffre de l’état-major, qui consentirait à en réclamer 25 de moins…), soit à seulement 375 milliards, selon le ministère des Finances. Admirez la démesure, même dans la réduction prônée par Bercy. Et à Macron de faire le tri car, on le sait, il décide de tout.

Au début de novembre, l’état-major de la marine a été le premier à présenter, si l’on peut dire, sa liste de Noël : un second porte-avions, trois frégates supplémentaires (pour une flotte qui en compterait alors 18), des avions de guet aérien, des hélicoptères et des drones « embarqués », des robots voués à la maîtrise des fonds marins, à l’attaque des navires et des cibles à terre. Sans oublier deux nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque.

Selon les amiraux, leur flotte actuelle a atteint la limite de ses capacités. A preuve, dans la zone Indo-Pacifique, où la Chine inquiète tous ses voisins, la France a des territoires et des intérêts à protéger. Or la marine chinoise possède déjà la grande majorité des 163 sous-marins qui barbotent dans la zone.

Avec un léger retard sur les amiraux, les généraux de l’armée de terre ont mis, eux aussi, la pression sur l’Elysée et sur le gouvernement. Ils rêvaient, par exemple, d’aligner 229 canons Caesar en 2030 (ils n’en obtiendront sans doute que 109), alors que les arsenaux n’en abritent aujourd’hui que 76. Autres revendications de ces képis étoilés : des tonnes de munitions en tout genre, beaucoup plus de blindés modernes (Griffon, Serval, Jaguar) et davantage de combattants à recruter.

Les capacités opérationnelles « de l’armée de terre sont dimensionnées au plus juste », constate le député Renaissance François Cormier-Bouligeon dans son récent rapport sur le budget des « terriens ». Et il s’inquiète notamment des « surcoûts liés aux opérations extérieures » (Roumanie, Etats baltes, Pologne, Afrique, etc.), qu’ils devront régler de leur poche.

Les patrons de l’armée de l’air sont bien sûr entrés dans la danse. Ils sont, disent-ils, en manque de Rafale, d’avions de transport et de ravitaillement en vol, d’hélicoptères, de drones, de satellites. Et ils pleurent misère : après les ventes de Rafale d’occasion à la Grèce et à la Croatie, ils savent qu’en 2030 ils ne pourront compter que sur 159 exemplaires de ces avions Dassault, au lieu des 185 prévus (l’état-major avait naguère évalué ses besoins à 229 Rafale). Dans le rapport qu’il a consacré au budget de l’armée de l’air, le député RN Frank Giletti se lamente, lui aussi, et rappelle que, depuis 2008, l’aviation de combat française « a été réduite de moitié, et ses effectifs de 30 % ».

Les membres de la Communauté du renseignement ne sont pas en reste pour revendiquer. Ces professionnels de l’espionnage, du contre-espionnage et de la sécurité (DGSE, Direction du renseignement militaire, etc.) sont eux aussi des croqueurs de milliards. Mais ils paraissent aujourd’hui optimistes. Le 9 novembre, lors de son discours à Toulon, Macron a laissé entendre qu’ils ne seraient pas négligés par la prochaine loi de programmation militaire.


Claude Angeli. Le Canard Enchaîné. 23/11/2022