… Total-Energies se ripoline en vert pour partir à l’assaut des villages.
[…] Ils se sont donné rendez-vous à quelques mètres de la salle communale, où, en ce 30 septembre, Total-Energies organise une permanence publique. Objectif du pétrolier aux superprofits qui font tant couler d’encre ? Rassurer la population au sujet du projet d’implantation de six éoliennes dans le village d’Annay, en Bourgogne-Franche-Comté. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas gagné !
Dans cette bourgade de quelque 300 âmes, une partie des habitants, conduits par l’ancienne équipe municipale, mènent la fronde, moins contre TotalEnergies que contre les éoliennes, d’où qu’elles viennent. Il est vrai qu’Annay n’est pas un village comme les autres.
Sa particularité ? Être à une encablure de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire (Cher). Ce qui explique, chez pas mal de riverains, les a priori plus favorables à l’atome qu’au vent.
C’est le cas de Marie-Jo Alexandre, l’ancienne maire du village (de 1995 à 2020). Cette farouche opposante au projet a pris la tête de la fronde anti-éoliennes. « Pourquoi faudrait-il faire de l’éolien quand on a du nucléaire, et que le foncier pour construire des réacteurs existe ? » lance-t-elle à la cantonade. Mais comme rien n’est simple, l’ancienne opticienne de profession se dit de gauche – elle a à son actif la mise en place réussie d’une mutuelle de santé communale – et proche de la nature. Amoureuse de son village, elle a durant ses mandats tout fait pour conserver un paysage bocager, préserver les haies et des chênes majestueux, et refuse catégoriquement l’arrivée « d’un site industriel dans un village à l’habitat dispersé ». L’éolien et son chantier sont pour elle une catastrophe à venir, alors qu’elle fait « pleinement confiance » à la centrale nucléaire voisine.
Un raisonnement qui peut interpeller. « Les gens d’ici vivent avec la centrale. Beaucoup y travaillent, d’ailleurs, et les élus procentrale profitent des retombées économiques du nucléaire », nous confiait Catherine Fumé, militante du Réseau Sortir du nucléaire, pour expliquer l’indifférence des riverains quant aux dangers potentiels du nucléaire et à son insurmontable gestion des déchets radioactifs.
C’est bien connu, on s’habitue à tout. La preuve avec Gérard Girault qui tient à se faire appeler Gégé. Sa maison magnifique et son grand jardin ont une vue imprenable sur… la centrale de Belleville. La Cocotte-Minute atomique d’EDF dans sa ligne de mire le rassure car, selon lui, « un accident en France n’est pas possible ». Et puis, « son panache me donne le sens du vent », rigole-t-il, alorsévoquer les mâts et pales d’éoliennes lui file illico de l’urticaire.
Un gros dossier en main, Gégé accuse l’éolien de tous les maux. […]Armé d’un tas de données chiffrées, il est bien décidé à porter la contradiction à ce « vendeur de vent » désormais déguisé en promoteur écolo qu’est TotalEnergies.
[…] Comme d’autres opposants, il a épluché toutes les données du recto verso édité par TotalEnergies pour appeler à la réunion publique. Et comme d’autres, il s’est rapidement rendu compte que certains des « chiffres clés » du pétrolier sont erronés. Ce qui la fout mal pour les ingénieurs maison, qui ont confondu mégawatts et gigawatts !
Rapidement, Jérôme Dieu, chef de projet chez TotalEnergies, est obligé d’en convenir. Contrit, il reconnaît avoir fait une « petite erreur ». De quoi chauffer à bloc les opposants, qui trouvent que le travail est au mieux « léger », au pire « trompeur » ou « mensonger ». De fait, ça ne facilite pas la mise en confiance dans la prétendue reconversion verte de la multinationale pétrolière.
Un recyclage grand teint qui ne doit rien au hasard et tout aux contingences naturelles – l’épuisement dans quelques décennies du filon des énergies fossiles – et à la réglementation pour arriver à la neutralité carbone promise pour 2050. Autrement dit, la fin programmée du charbon, du gaz et du pétrole d’ici à moins de trente ans. Le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables est prêt, et son examen, inscrit à l’agenda du Sénat et à celui de l’Assemblée nationale cet automne. On comprend mieux alors l’appel d’air que représente l’éolien pour les énergéticiens, et leur offensive tous azimuts pour se transformer fissa en vendeurs de moulins à vent géants, quitte à faire quelques approximations.
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Natacha Devanda. Charlie hebdo Web. 19/10/2022. Source (Extraits)