Désignations simplistes.

  • D’un côté, il y aurait d’affreux « écoterroristes », selon l’expression du premier flic de France, Darmanin (qui ne l’a pas retirée, contrairement à ce que disent ceux pour qui affirme qu’il aurait « rétropédalé »).
  • De l’autre, de valeureux constructeurs de mégabassines qui « permettent à des agriculteurs de nourrir des humains », comme l’a dit le toujours subtil Olivier Véran — en un mot, des bienfaiteurs de l’humanité.

Les méchants et les gentils.

Il faudrait évidemment être contre les méchants, écolos-bobos, archaïques, amish, déclinistes, ayatollahs, Khmers verts, et on en oublie. Surtout ne pas voir qu’il s’agit là d’un affrontement entre deux modèles agricoles.

  • D’un côté, ceux pour qui le modèle occidental productiviste est le seul et unique possible, même s’il est grand consommateur d’énergies fossiles (pour les engrais, les machines, les transports), de pesticides, d’eau et de subventions publiques (les mégabassines sont subventionnées à 70 %).
  • De l’autre, ceux pour qui ce modèle va dans le mur, et qui défendent une agriculture paysanne à la mesure de l’homme et respectueuse du vivant. Ceux-là disent qu’il y a urgence. Que le dérèglement climatique et l’effondrement du vivant sont largement dus à l’agriculture industrielle.

Et ils sont radicaux comme l’étaient les paysans du Larzac. Comme l’ont été (victorieusement) les faucheurs d’OGM, les opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, au barrage de Sivens, à l’exploitation du gaz de schiste, au complexe d’EuropaCity, à la Montagne d’or, en Guyane, au Center Parcs de Roybon, à l’A45 entre Lyon et Saint-Etienne, à la retenue d’eau de La Clusaz (1), etc.

Si parmi eux se glissent parfois quelques énervés désireux de casser du flic, cela suffit-il à les disqualifier ? à les mettre dans le même sac que les terroristes qui ont massacré à « Charlie », au Bataclan, à Nice ? Cette vision policière délirante est-elle vraiment celle que la Macronie veut mettre en place ?

Le 2 novembre, à Munich, 16 scientifiques du collectif Scientist Rebellion, dont quatre Français, se sont attaqués à un showroom du groupe BMW. Ils ont aspergé de peinture une bagnole de luxe, plusieurs s’y sont collé les mains. Et se sont retrouvés en détention.

Dans une forte tribune (« franceinfo.fr »), plus de 1 200 chercheurs français les soutiennent. Ils disent qu’ils n’en peuvent plus : « Depuis trente ans, la communauté scientifique effectue patiemment son travail de documentation des changements en cours dans le climat et les écosystèmes de la Terre. » Mais rien : les politiques n’écoutent pas. « Il est de moins en moins possible de faire preuve de patience et d’accorder aux décideurs économiques et politiques le crédit de la bonne foi. » Ces chercheurs décidés à sortir des labos pour mener des actions radicales : bientôt traqués comme « écoterroristes » ?

Le quinquennat sera écologique ou ne sera pas, disait-il dans sa campagne présidentielle.


Jean-Luc Parquet. Le Canard enchaîné. 09/11/2022


  1. Lire le numéro d’octobre de la revue « Silence », « Les Victoires de l’écologie ».

2 réflexions sur “Désignations simplistes.

  1. bernarddominik 16/11/2022 / 10h36

    Je ne suis pas sur que lutter contre les méga bassines soit bien écologique. Il faut conserver l’eau entre l’hiver où il y en a trop et l’été pas assez. Sans eau tout meurt.

    • Libres jugements 16/11/2022 / 11h13

      Bonjour Bernard,
      Mon tout premier avis concernant les méga bassines était de donner raison à leur construction à partir du moment où elles s’étaient alimentées uniquement par les eaux pluviales. Je dis bien, à la condition d’être exclusivement alimenté par les eaux pluviales et non pas pompées dans les nappes phréatiques – ce qui semble être le cas au moins dans une de ces mega-bassines.
      Et puis j’ai écouté diverses thèses dénonçant ou renforçant leurs constructions. Pour être honnête, les arguments lus sont plutôt anti-constructions
      Une, en particulier, a retenu mon attention.
      Elle dit que l’eau retenue dans les mega-bassines ne s’évacue pas évidemment dans la nappe phréatique et par conséquent n’alimente plus les rivières environnantes. Comme nous sommes dans un état d’esprit individualiste libéral, ces mega-bassines construites un groupement de propriétaires agricoles ne sont utilisables que par ce groupe.
      Sauf si j’ai mal compris (ce qui est toujours possible vu mon âge) la bataille pour la construction de ces méga bassines ne sont 1) que d’un intérêt parcellaire, 2) préjudiciable et pour les nappes phréatiques et pour les cours d’eau, 3 ) privent de terres cultivables.

      Amitiés
      Michel

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