En janvier, la France s’est enfin dotée d’une circulaire pour arrêter le bétonnage de ses champs et bocages.
Rappelons que, chaque année, 30 000 ha de terres agricoles et d’espaces arborés disparaissent sous le goudron et le ciment, soit l’équivalent tous les quinze ans d’un petit département. De tous les pays européens, la France est celui qui a le plus perdu de terres arables.
Ladite circulaire a pour objectif de diviser par deux d’ici à 2030 le grignotage des surfaces cultivées et des espaces naturels, pour atteindre le « zéro artificialisation » des sols en 2050. De quoi coller à la feuille de route de la loi Climat et Résilience d’août 2021, qui a pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en France en 2050.
Les sols non artificialisés sont en effet des puits de carbone qu’il faut, coûte que coûte, préserver. Rien que dans l’Hexagone, d’après l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), ils stockeraient, dans les 30 premiers centimètres, 3 milliards de tonnes de carbone. Autant de gaz à effet de serre en moins dans l’atmosphère ! Notamment grâce au labeur des vers de terre, qui, en plus d’aérer les sols, assimilent une partie du carbone.
Avec la loi Climat et Résilience, on va donc pouvoir, à terme, sanctuariser nos 26 millions d’hectares de terres agricoles.
C’est là qu’on découvre que les sols sont menacés d’étouffement non seulement par le béton ou l’asphalte, mais aussi par le poids des tracteurs et autres engins de plus en plus lourds. Comptez 36 tonnespour une moissonneuse et jusqu’à 60 tonnes pour une betteravière !
Résultat : plus le sol est tassé, moins il est capable d’absorber l’eau, et plus les racines des plantes peinent à pousser. En prime, la terre s’appauvrit en lombrics ainsi qu’en matières organiques, qui contribuent au stockage du carbone. Et, comme si cela ne suffisait pas, plus le sol est compact, plus il recrache de protoxyde d’azote, l’un des pires gaz à effet de serre.
Selon une étude publiée par l’Académie des sciences américaine (« PNAS » 16/5/21), 20 % des terres arables de la planète sont aujourd’hui menacées par « un risque élevé de tassement ». Pour arrêter de maltraiter les sols agricoles, Bruxelles a lancé, l’année dernière, un programme de recherche sur cinq ans doté de 80 millions d’euros et piloté côté français, par l’Inrae.
L’Europe ne veut pas qu’on dise encore une fois qu’elle est hors-sol…
Lu dans le Canard enchaîné. 09/11/2002