Rishi Sunak !

Qui est le nouveau Premier ministre anglais, qui succède à l’éphémère « nouvelle Dame de fer », n’est pas non plus un tendre et va avoir fort à faire.

[…] Sunak, premier homme de couleur à occuper le poste, est relativement peu connu en Grande-Bretagne. Élu député depuis 2015, grâce au soutien de David Cameron, qui avait compris que les conservateurs périraient s’ils ne s’ouvraient pas à la diversité, il fut d’abord un terne parlementaire qui ne se révéla qu’au moment du Brexit. […]

Les Britanniques le découvrent il y a tout juste deux ans, quand Johnson en fait son ministre des Finances. Il se montre sérieux mais réservé. On ne sait guère que Sunak, derrière sa façade souriante et son aisance de jeune homme ayant fait ses études secondaires au collège de Winchester, est tout sauf un rigolo.

Chez Goldman Sachs, où il est resté trois ans, on appréciait beaucoup cet analyste financier qui ne buvait pas, était végétarien et sérieux comme un petit-fils d’immigrés soucieux de sa réussite. Lorsque BoJo doit affronter le « Partygate », ces soirées arrosées organisées en pleine pandémie, Sunak n’est guère concerné : il écope d’une amende pour avoir bu… une bière. […].

[…] [Une] vidéo montre […] l’opulence dans laquelle vit la famille Sunak, passe mal au Royaume-Uni. […] Sunak a épousé la fille d’un des patrons les plus fortunés de l’Inde, fervent soutien de Modi. […] Il a gagné beaucoup d’argent chez Goldman Sachs, puis dans un hedge fund, TCI, connu pour sa rapacité. « Sunak est déjà riche quand il rencontre sa future femme à Stanford, aux États-Unis. Son mariage et la confiance que lui accorde son beau-père qui en fait le gestionnaire de la fortune privée familiale, le transforment en milliardaire », raconte le journaliste britannique Marc Roche, spécialiste de la City.

Cette réussite financière est d’autant plus mal vécue que Sunak a été élu sur un programme de hausse des impôts et de baisse des dépenses publiques, alors que son épouse bénéficiait d’un statut de « non-dom » (« non-résident ») qui lui a permis de ne pas payer d’impôts au Royaume-Uni. Oups.

« Le fait que le couple, très lié à l’Inde, ait conservé, en plus, ses « green cards » américaines a fait tiquer. Beaucoup se sont demandé ce qu’étaient les Sunak : britanniques ? indiens ? américains ? « Pour qui roulent-ils ? » s’est demandé l’opinion », rappelle Roche.

Pour l’instant, Sunak a le soutien du roi, qui toute sa vie a œuvré pour les minorités et défendu l’œcuménisme religieux. Soucieux de se ménager les bonnes grâces du souverain, il a maintenu le moratoire sur la fracturation hydraulique.

Rapport aux manœuvres, le jeunot (42 ans) n’est pas mauvais : il a conservé au gouvernement des proches de Johnson et de Truss, histoire de ne froisser personne, et a maintenu en place sa ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, très anti-immigration, pour donner des gages aux radicaux de son camp.

Ce brexiter convaincu est un fanatique du « Global Britain ».

Pour lui, l’avenir de la Grande-Bretagne passe par les pays émergents et le Commonwealth. « D’accord, les Britanniques ont la City et des réseaux uniques au monde, mais ils auraient tort de croire que tous ces pays les attendent comme le Messie. On doit d’abord faire la politique de sa géographie. Bref les petits problèmes qui empoisonnent les relations franco-britanniques depuis le Brexit, que ce soit l’Irlande, Calais ou les bateaux de pêche, sont dérisoires et doivent être vite résolus. On a d’énormes intérêts en commun, à commencer par les relations avec la Russie », s’agace Jean-Louis Bourlanges, le président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée.

L’accord commercial avec l’Inde est pourtant l’une des priorités du nouveau gouvernement britannique. « Un renversement saisissant : on passe du « Global Britain » à une forme de préemption du Royaume-Uni par l’Inde ! » sourit Bourlanges, qui parle d’« un Premier ministre champignon, sans passé politique ».

Guetté par les Européens, attendu au tournant par les conservateurs, visé par les travaillistes, qui se requinquent progressivement, Sunak va devoir, […] apprendre à danser. […]


Texte (Extraits) Anne-Sophie Mercier. Dessin de Kiro. Le Canard enchaîné. 02/11/2022


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