Une défense armée européenne

Ou une défense dominée par l’US-OTAN ou teutonne ?

N’est pas François Iᵉʳ qui veut !

Emmanuel Macron n’aura pas réussi à faire de Fontainebleau un foyer de la Renaissance franco-allemande.

Les retrouvailles des deux gouvernements, programmées le 26 octobre, ont été brutalement renvoyées aux calendes grecques.

Macron avait appris, juste avant le Conseil des ministres franco-allemand, que le chancelier Olaf Scholz avait convaincu 14 membres de l’Otan de rallier son projet de « bouclier du ciel européen ». Un système antimissile dernier cri, fabriqué main dans la main par les Teutons et l’Oncle Sam, qui laisse sur le carreau Français et Italiens, développeurs d’un autre joujou de défense du ciel européen.

On est très loin de la lune de miel du Conseil des ministres franco-allemand de juillet 2017, lorsque Angela Merkel et Emmanuel Macron avaient scellé un accord sur le lancement de plusieurs programmes militaires phares, dont le char et l’avion de combat du futur. Comme ces derniers, plusieurs projets ont désormais de la mitraille dans la carlingue. Passage en revue …

Super avion… Sans ailes

L’avionneur Dassault veut, coûte que coûte, garder le manche sur l’emblématique projet Scaf (système de combat aérien du futur). Cet avion futuriste est censé remplacer, à partir de 2040, notre Rafale et son équivalent européen l’Eurofighter Typhoon, conçu par Airbus Allemagne, allié aux Britanniques. Il devra être capable de diriger simultanément une nuée de drones et de missiles « intelligents ».

Le 4 octobre 2022, Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, l’a joué martial devant l’Assemblée nationale : « Sur le projet du Scaf, la France est chef de file et Dassault est chef de file. » Petit hic, le développement de ce joujou high-tech va coûter bonbon.

Entre 50 et 80 milliards d’euros, selon un rapport du Sénat publié en juillet 2020. Soit entre cinq et huit fois plus que le programme Rafale. « Beaucoup trop élevé pour la France à elle seule, re­connaît le ministre, d’où le besoin de co­opérer avec d’autres pays. »

Depuis un an, le projet est bloqué sur le tarmac. Notre fabricant de zincs, qui rechigne à livrer ses secrets industriels, s’est cabré.

De leur côté, les Allemands refusent d’endosser le rôle de sous-traitant. L’Elysée ne veut pas rester sur l’échec du Conseil des ministres franco-allemand « reportè. et fait maintenant pression sur Dassault pour qu’il ouvre un peu son cockpit. Le 26 octobre, le Scaf sera le plat de résistance du dîner en tête à tête entre le président Macron et le chancelier Scholz. Avec quelle sauce d’accompagnement ?

Char embourbé

C’est mal parti pour le successeur du char Leclerc ! Le fabricant germanique de blindés Rheinmetall a canonné l’accord sur le futur char franco-allemand. Au départ, le français Nexter, constructeur du Leclerc, s’était allié avec l’allemand KMW, père du Leopard. Cette bestiole de 63 tonnes est utilisée dans 18 pays, alors que notre char tricolore, un peu moins lourd mais plus cher (8 millions d’euros pièce), n’aura dégoté, en tout et pour tout, qu’un seul client : les Emirats arabes unis.

Rheinmetall, qui dispose de solides appuis au Bundestag, a d’abord bataillé pour entrer dans le projet franco-allemand. Puis, une fois dans la place, il a sorti son propre char, le Panther, présenté en juin à Eurosatory, le salon des marchands de canons. Résultat : la Bundeswehr a le choix entre un blindé teuton disponible dès maintenant et un char européen qui ne verra pas le jour avant… 2040. Et cela au moment où Berlin vient de débloquer 100 milliards d’euros pour retaper sa quincaillerie militaire. Rheinmetall va donc faire carton plein…

Hélicoptère crashé

Le Tigre, c’est le programme d’armement qui faisait rugir de satisfaction les Français et les Allemands. Un hélico conçu pour détruire les chars ennemis et tailler des croupières à l’américain Apache. Pour faire voler ce fleuron d’Airbus Industrie au-delà de 2050, Paris avait convaincu Berlin de l’aider à rénover l’appareil. Mais, patatras ! la Bundeswehr a préféré acheter des… Apache, sans crier gare !

Conséquence : notre armée de terre ne pourra rénover que 42 hélicos de combat, à la place des 67 prévus. La création de l’Ecole franco-allemande de formation des équipages Tigre, dans le Var, n’aura pas suffi à attendrir Berlin…

Patrouilleur coulé

Jeté par-dessus bord ! En avril 2018, les deux ministres de la Défense, Florence Parly et Ursula von der Leyen, avaient promis de remplacer. d’ici à 2035. Nos 22 vieux Atlantique 2 de la marine nationale et les huit P-3C Orion de la Deutsche Marine. Un avion de patrouille maritime, fabriqué en commun et bardé de capteurs, devait les remplacer pour surveiller les rafiots et les sous-marins. Trois ans plus tard, le projet, baptisé « MAWS » (Maritime Airborne Warfare System), a pris l’eau…

« Les Allemands ont acheté des Poseidon à Boeing sans prévenir la ministre Florence Parly », tempête un industriel français. Le scénario se répète. Les Allemands avaient déjà acheté des F-35 américains au prétexte que ces chasseurs étaient les seuls habilités par l’Otan à porter la bombe nucléaire made in USA. « Normal, justifie un diplomate. Berlin se trouve quasiment à la même distance de Kiev que de Paris. Face aux Russes, les Allemands comptent sur les Américains et leur donnent des gages. »

Très loin de la « mort cérébrale de l’Otan » prophétisée, il y a trois ans, par Macron…


Odile Benyahia-Kouider et Christophe Labbé. Dessins d’Aurel. Le Canard Enchainé. 26/10/2022


Une réflexion sur “Une défense armée européenne

  1. bernarddominik 02/11/2022 / 13h19

    Il faudrait qu’enfin Macron en tire les conséquences. A quoi ça sert de financer une UE toute acquise aux allemands. Macron devrait bloquer l’UE arrêter de payer et même faire une taxe carbone sur les moteurs de plus de 200 CV venant de plus de 400 km, ça rendrait les gros suv allemands très cher en France, et taxer le transit de la même façon. Parfois il faut taper fort, mais Macron sait taper fort contre les français pas pour les défendre

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