Poutine économise…

…  sa “chair à canon” !

Faute d’avoir pu, dès février, s’emparer de Kiev et en chasser le président Zelensky, le chef de guerre du Kremlin n’avait plus qu’un objectif annexer le Donbass et ses alentours. Devant les difficultés rencontrées par son armée pour conserver les territoires conquis, Poutine a dû changer de nouveau de stratégie.

Selon un vieux routier du Quai d’Orsay, « il pratique désormais la guerre à distance », une formule que ne contesterait pas Sergueï Sourovikine, le nouveau chef des forces engagées en Ukraine, s’il lisait « Le Canard »

A en croire plusieurs « blogueurs de guerre russes », qui ne fournissent aucune précision sur l’origine de cette information, Sourovikine, ce « Héros de la Russie » (une distinction accordée par Poutine en 2017), vient d’en tracer les limites : « Je ne veux pas sacrifier la vie des soldats russes dans une guérilla (sic) contre des hordes de fanatiques armés par l’Otan. Nous avons suffisamment de moyens techniques pour forcer l’Ukraine à se rendre. »

Iran aimable complice

Comment la puissante Russie en est-elle arrivée là ? Bref résumé de ses échecs : des centaines de chars ne lui ont pas permis de l’emporter, et ses avions de combat ont même dû renoncer à intervenir dans le ciel ukrainien, de peur d’y rencontrer quelques missiles antiaériens. Plus révélateur encore : au début de la contre-offensive décidée par Zelensky et ses généraux, des unités russes se sont débandées, abandonnant sur le terrain chars, blindés et munitions, sans les détruire.

Dès lors, mieux valait que Poutine limite ses ambitions. Sous le feu des critiques des ultranationalistes, il a décrété la « mobilisation partielle »… de 300 000 réservistes, en en­voyant près de un million de convocations. Mais, là encore, le résultat n’est guère fameux, et des dizaines de milliers de Russes ont fui vers la Géorgie, la Turquie et la Finlande.

Ensuite, le locataire du Kremlin a mobilisé ses artilleurs, qui ont balancé des centaines de milliers d’obus sur des militaires et des civils ukrainiens. Le 8 octobre, après avoir limogé nombre de généraux plus ou moins incapables (allez savoir…), il a nommé Sergueï Sourovikine à la tête de ses troupes. Enfin, miracle, les drones kamikazes aimablement fournis par Téhéran ont permis de détruire ou d’endommager des centrales électriques ukrainiennes et de semer la terreur dans plusieurs villes.

Bouffées délirantes de propagande russe

Pratiquée à distance, cette guerre ne permettra jamais à Poutine de s’en glorifier. Le 20 octobre 2022, John Kirby, conseiller de Joe Biden à la sécurité nationale, a accusé la Russie et l’Iran de violer les « résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU » qui interdisent (quel doux rêve…) les attaques d’infrastructures civiles et vitales (eau, énergie et électricité). Le lendemain, Paris, Londres et Berlin demandaient à l’ONU d’ouvrir une enquête sur l’utilisation de ces drones iraniens. Et, le même 21 octobre, Lloyd Austin, le patron du Pentagone, en conversation téléphonique avec son homologue russe, Sergueï Choïgou, l’avertissait que la « quarantaine de pays » qui soutient l’Ukraine augmenterait encore les livraisons d’armes à Kiev.

Avec un culot d’acier, Moscou et Téhéran ont démenti toute utilisation de ces drones. Mais les services américains et européens affirment, eux, avoir découvert la présence en Crimée d’une unité des Gardiens de la révolution iraniens qui forment leurs camarades russes à l’utilisation de ces merveilles technologiques que sont le Shahed 136 et le Mohajer-6.

A en croire ces services de renseignement, l’Iran ne facture pas trop cher ces drones kamikazes à usage unique, alors qu’un exemplaire du Shahed 136 vaut en principe 20 000 dollars, car sa portée est d’un millier de kilomètres.

« Les Etats-Unis imaginent qu’un tribunal international pourrait juger Poutine pour crimes de guerre », estime un diplomate français. Comme en réplique, lors de ses conversations téléphoniques avec ses homologues occidentaux, Sergueï Choïgou, le ministre de la Défense, a été chargé de populariser la dernière trouvaille délirante du Kremlin : accuser l’Ukraine de projeter d’avoir bientôt « recours à une bombe sale » (à base de déchets radioactifs) et de « la lancer sur ses propres citoyens avec l’objectif d’en faire porter la responsabilité à la Russie ».


Claude Angeli. Le Canard Enchainé. 26/10/2022