BUDGET 2023

Dépecer l’État, c’est un métier

« Protéger les Français et aller vers le plein-emploi ». Tel est le titre grotesque du dossier rédigé par Bercy pour présenter le prochain projet de loi de finances. Un quart des Français déclarent se restreindre sur la nourriture? Un nouveau rapport nous annonce que la destruction de la vie va s’accélérer en France (1) ? Pas grave pour les deux somnambules Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, et Gabriel Attal, ministre chargé des Comptes publics, trop contents de présenter leur budget qui doit «préparer l’avenir». Le leur, c’est tout à fait possible. Mais le nôtre…

Chaque année, les services du ministère de l’Économie doivent prévoir la « croissance du PIB », dont le montant va conditionner les recettes publiques (TVA, impôt sur le revenu), mais aussi les dépenses. Ce chiffre, personne ne le connaît. Mais il est nécessaire. Comment faire? Le souci des deniers publics commanderait de choisir un chiffre qui soit dans la fourchette basse des prévisions effectuées par divers organismes privés et publics. Mais les gouvernements français surestiment volontairement la croissance à venir (2). Alors que l’incertitude concernant le devenir de la guerre en Europe est maximale, « en responsabilité », comme on dit désormais, Bruno et Gabriel ont choisi, ils l’écrivent eux-mêmes, un taux de croissance du PIB pour l’année prochaine -1 % – qui « se situe dans la fourchette haute des prévisions publiées récemment ».

Au-delà de l’incroyable montée de périls qui devient coutumière (quelle sera l’ampleur de la canicule l’été prochain? y aura-t-il une crise financière? etc.), deux éléments vont déterminer la trajectoire des finances publiques l’an prochain : le taux d’inflation et le taux d’intérêt. Plus l’inflation sera forte, plus notre pouvoir d’achat diminuera, et donc moins la croissance sera forte. Et plus le taux d’intérêt sera fort, plus les remboursements de dette publique exploseront.

Quel choix a fait le gouvernement dans ce domaine?

Celui de l’aveuglement et de l’irresponsabilité, bien sûr. Comme valeur pour le taux d’intérêt moyen des emprunts à échéance de dix ans, Bercy a retenu le niveau de 2,6 %. Or ce taux atteint d’ores et déjà 3 % sur les marchés. Et il ne va faire que monter dans les mois et les années à venir.

Autrement dit, alors que nous ne sommes que fin octobre, le budget de l’État pour l’an prochain est déjà faux.

Mais le pire est bien sûr le déficit public, qui devrait, sous les hypothèses fausses que nous venons de voir, dépasser plus de 150 milliards d’euros l’an prochain. Le budget total de l’État étant de 500 milliards, il est donc en déficit de près d’un tiers. Nous avons en effet pris la très mauvaise habitude de dire que l’État français sera en déficit de « 5 % du PIB » l’an prochain.

Mais le PIB, c’est l’économie réelle, privée. Le PIB, c’est le revenu de la France, pas celui de l’État. En réalité, l’État connaît un déficit à hauteur de 31 % de ses recettes. Vous imaginez, si votre découvert à la banque représentait 31 % de vos revenus?

Bref, Macron, Borne et leurs potes continuent de piller l’État, sans préparer l’avenir. Leur fierté, à Bruno et à Gabriel, c’est de « [poursuivre] […] la baisse des impôts amorcée lors du quinquennat précédent, pour favoriser le pouvoir d’achat des Français, la compétitivité de nos entreprises et l’emploi ».

Et tant pis si la suppression de l’ISF a été un échec (3), tant pis si le déficit commercial se creuse, tant pis si tant de nos concitoyens basculent dans la misère.

La France est en route vers le plein-emploi !


Jacques Littauer. Charlie Hebdo 26/10/2022


  1. «En France, le réchauffement climatique s’annonce pire que prévu, selon de nouvelles projections », par Audrey Garric (Le Monde, 20 octobre 2022).
  2. «Croissance en France : de la prévision à la réalisation », par Denis Ferrand (février 2020, disponible sur rexecode.fr).
  3. «La suppression de l’ISF n’a toujours pas d’effet démontré sur l’économie », par Audrey Tonnelier (Le Monde, 20 octobre 2022).

Une réflexion sur “BUDGET 2023

  1. bernarddominik 01/11/2022 / 8h34

    Il n’y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

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