Crise de l’énergie

L’Allemagne relance le chômage en Europe

Vendredi 30 septembre 2022, les ministres de l’Énergie de l’Union européenne ont pris deux mesures importantes. Les Vmgt-Sept ont décidé de mettre à contribution les énergéticiens pour la part excessive de leurs profits, créant une taxe sur les superprofits, alléluia! De plus, ils ont plafonné le prix maximal auquel les gentils producteurs d’électricité verte pourront vendre leur jus fabriqué à partir du vent, du soleil et de l’eau (1).

Mais la surprise du chef est venue, la veille, de l’Allemagne, qui a dégainé un plan de soutien de 200 milliards d’euros pour ses industriels. Personne n’avait été prévenu, pas même la France. En effet, les nouvelles ne sont pas bonnes outre-Rhin : inflation de 10 % cette année, récession prévue pour 2023, fortes réductions de production dans les usines… Olaf Scholz, le chancelier, a ainsi inventé un bidule nommé «frein au prix du gaz », par analogie avec le célèbre « frein à l’endettement », inscrit dans la Constitution allemande.

Ces 200 milliards ne vont-ils pas faire exploser la dette publique ? Bien sûr que si, mais, comme à chaque fois qu’il s’agit de sauver les gros (coucou la crise de 2008, coucou le Covid), les règles, on s’en fout. On ne les invoque que lorsqu’il s’agit de s’en prendre aux petits, les Grecs, les jeunes, les chômeurs, les pauvres. Face aux critiques de la Cour des comptes allemande, Christian Lindner, le ministre des Finances, a ainsi osé déclarer que la création de son fonds de stabilisation permettait de « séparer les dépenses de lutte contre la crise financière du budget régulier ». Bon sang, mais c’est bien sûr!

Pour la Commission européenne, tout comme pour l’ex-président du Conseil italien Mario Draghi et les dirigeants européens, le plan allemand pose deux problèmes majeurs. Le premier est que, en diminuant artificiellement le prix du gaz pour les consommateurs et industriels allemands, il soutient la demande, ce qui alimente l’inflation, non seulement en Allemagne, mais – vu la taille de ce pays – également dans toute l’Europe.

Le second est que le plan Lindner constitue une violation claire des règles de la « concurrence libre et non faussée », à laquelle ne croient que les imbéciles et les socialistes français. En réduisant leurs coûts de production, les industries d’Allemagne vont être plus compétitives que les autres, et donc encore gagner des parts de marché, elles qui explosent déjà tout le monde sur le continent, en raison de la qualité de leurs produits.

Ce second point est évidemment l’objectif principal du plan. Si on se place dans les chaussures d’Olaf Scholz, on ferait comme lui : l’industrie est à l’Allemagne ce que le tourisme est à la France, c’est-à-dire le coeur de son identité, de ses compromis politiques, de sa stabilité sociale. C’est déjà au nom de la compétitivité de son industrie, mise à mal après la réunification du pays, en 1990, que l’Allemagne, sous l’impulsion de son chancelier « social-démocrate » Gerhard Schrôder, avait instauré, de 2003 à 2005, les lois Hartz, du nom de l’ancien chef du personnel de Volkswagen.

Sabrant les droits des chômeurs, créant les atroces « mini-jobs » à 800 euros, ces lois ont fortement accru la concurrence entre travailleurs à faibles rémunérations et chômeurs, entraînant (c’était le but) une baisse des salaires, mais aussi une chute… de l’emploi(2). L’industrie allemande est devenue hypercompétitive, créant du chômage chez ses concurrents, à commencer par la France. Après ce dumping social, nos amis allemands instaurent aujourd’hui un dumping énergétique, dénoncé par leurs « partenaires » au sein de l’« union» européenne.

Prière de bien articuler quand vous leur direz Danke schôn.


Jacques Littauer. Charlie Hebdo. 12/10/2022


  1. «Les ministres européens de l’Énergie s’accordent sur des mesures d’urgence pour réduire les factures» (BFM Business, 30 septembre 2022).
  2. «Les lois Hartz ont réduit les salaires… et l’emploi », par Gilles Raveaud (Alternatives économiques, 12 mers 2019).

Une réflexion sur “Crise de l’énergie

  1. bernarddominik 15/10/2022 / 8h41

    Hollande a fait de même avec le cice mais là il s’agit de 4 fois plus. Le quoi qu’il en coûte à été aussi dans cette veine. Le principe en est effectivement simple, les classes moyennes (grosses pourvoyeuses des finances publiques) financent les aides de l’état aux entreprises pourvoyeuses des gros salaires des cadres supérieurs et des revenus des gros actionnaires.

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