Les épais nuages qui s’amoncellent et s’assombrissent sans cesse au-dessus de nous ont été heureusement transpercés, jeudi dernier, un puissant et bienvenu éclair de lumière. Annie Ernaux est couronnée du prix Nobel de littérature. Ce prix récompense en même temps la littérature et l’engagement. […]
Avec l’œuvre riche, percutante, intime et universelle, d’Annie Ernaux, la littérature commence par parler d’elle pour mieux parler de toutes et tous, de la vie, de nos vies. Une écriture qui agence des détails intimes d’où jaillissent les tracas et les soucis, la force d’une colère et d’un espoir […].
Une écriture qu’elle dit « plate » pour mieux mettre en relief les choses de la vie, chaque trace, chaque épisode, chaque fragment du quotidien pour dégager des chemins d’avenir.
En décernant ce prestigieux prix à Annie Ernaux, l’Académie suédoise a amplifié le cri de révolte des Iraniennes, qui se battent si courageusement contre l’oppression obscurantiste, et les voix de toutes les femmes à travers le monde, le jour du cinquième anniversaire du mouvement #MeToo.
Cet élan mondial puissant a libéré la parole et les aspirations d’émancipation du patriarcat et du système qui creuse les inégalités entre les femmes et les hommes. Ce mouvement jeune et féministe, comme celui des jeunes pour le climat, comme ceux des travailleuses et des travailleurs pour de meilleures rémunérations et pour donner « sens » au travail est une résistance aux vagues brunes qui charrient les venins de la haine, des restrictions de liberté, de l’uniformisation de la culture, des menaces contre le droit à l’avortement. C’est une quête de nouveaux droits et de nouvelles émancipations contre l’égoïsme capitaliste qui s’insinue partout dans les sables perméables de nos sociétés.
« J’importe dans la littérature quelque chose de dur, de lourd, de violent même, lié aux conditions de vie, à la langue du monde qui a été complètement le mien jusqu’à 18 ans, un monde ouvrier et paysan. Toujours quelque chose de réel » développe Annie Ernaux dans « l’écriture ». Tout est beau chez elle. Elle est une voie singulière, un appui pour tous les mouvements d’émancipation.
La lettre du 09 oct 2022 – Patrick Le Hyaric. Source (Extraits – Lecture libre)