Stéphane Séjourné

C’est à cet ancien conseiller, peu connu et pas pressé de l’être, que Macron a confié le soin de mettre  » Renaissance  » en marche.

En voilà un qui ne croule pas sous les selfies. Il est peinard quand il se rend dans ses bureaux au Parlement européen, tranquille quand il rejoint les locaux de Renaissance (le nouveau nom du parti présidentiel, ex-LRM), dont il vient de prendre les rênes, relax quand il monte dans le train. On ne peut pas dire que les flashs crépitent lorsqu’il arrive sur le quai. Stéphane Séjourné est un parfait inconnu qui aspire à le rester. « Macron a propulsé l’un de ses plus proches collaborateurs à la tête du parti. C’est très classique. Il est jeune, malin, techno, pas manchot et dépourvu d’ambition personnelle. Autant dire qu’il est bien cour », rigole un député de la majorité.

Dessin de Kiro. Le Canard Enchainé. 28/09/2022

Cet ancien du PS, à 37 ans, n’a connu que la politique, mais sans avoir jamais côtoyé un électeur. A Poitiers, où il faisait ses études de droit, il a organisé des manifs contre le CPE, le contrat première embauche de Villepin.

À l’Assemblée il a été conseiller parlementaire de la députée socialiste Catherine Coutelle, au conseil régional d’Ile-de-France, il a été conseiller du rocardien Jean-Paul Huchon, et à Bercy il a été conseiller de Macron.

Souvent présenté comme « l’homme qui murmure à l’oreille du Président », il a tellement murmuré à l’oreille de ses patrons successifs qu’il lui en reste quelque chose, maintenant qu’il est député européen et dirige le troisième groupe du Parlement à Bruxelles, celui des centristes de Renew. « C’est un homme de coulisses et de conciliabules, discret, qui n’aime que les petits comités et ne communique qu’avec trois ou quatre personnes », raconte un socialiste qui le connaît bien.

Messes basses et chuchotements

À Bruxelles, où il dirige un groupe de 103 parlementaires de 24 nationalités différentes, il a pas mal désarçonné ses troupes. Interrogé par les membres de sa délégation sur des négociations auxquelles Renew prenait part, il répond à quelques-uns, à voix basse : « Dans le couloir, pas ici. »

Stupeur, échanges de regards. La transparence, pas trop ! C’est donc à Stéphane Séjourné, (compagnon à la ville du très médiatique Gabriel Attal), que Macron a confié la lourde tâche de faire « renaître » le parti présidentiel. Histoire de lui épargner le choc par trop violent d’un débat démocratique, on a dissuadé Clément Beaune, qui s’y voyait aussi, de postuler.

Séjourné va devoir implanter Renaissance dans les villes et les régions, trouver une ligne politique, marginaliser Edouard Philippe, contenir les ambitions de Lecornu, Darmanin, Le Maire et tant d’autres, gérer les remontées acides de Bayrou, ce qui n’est pas de la tarte. Elisabeth Borne a tenu à l’encourager en demandant que Renaissance soit l’« aiguillon de l’exécutif ».

Histoire de galvaniser les troupes, Séjourné a proposé quelques pistes de réflexion. Pourquoi appeler le parti « Renaissance » ? « On fait comme au XVIᵉ siècle, quand les humanistes ont revisité les textes antiques. » Ça s’annonce sportif pour l’ancrage populaire.

L’implantation locale ? « Les militants sont très mobilisés sur le terrain, mais ils se sentent souvent empêchés.» Ils doivent être sacrément « empêchés » pour avoir fait voter 2,2 % des électeurs aux municipales. Il l’assure, le parti ne sera pas « caporalisé ». C’est sûrement vrai, mais, avec un seul candidat à la direction de Renaissance, voilà une affirmation osée.

Pour calmer les ardeurs de ceux qui n’y pensent pas seulement en se rasant, il y aura un congrès en octobre 2024. Deux années pour limer tous ces crocs, ça risque de ne pas suffire. Pour satisfaire tout ce petit monde, Séjourné a prévu de nommer… 13 secrétaires généraux adjoints.

Anti-Berlusconi pour la galerie

Reste la ligne politique. Elle sera, assure-t-il, « progressiste ». Evidemment. Séjourné s’est donc fendu d’un tweet critique à l’égard de la plateforme italienne qui vient de remporter les élections à Rome, fustigeant « Berlusconi, marche-pied des extrêmes ». Ce qui n’a pas empêché Renew d’installer un proche du même Berlusconi au poste de secrétaire général du Parlement européen et de permettre l’élection de Roberta Metsola, opposante historique à l’avortement à Malte, à la tête du même Parlement. Ce sont de petits arrangements, de petites histoires de couloir. Ce n’est pas si grave : c’est si loin, Bruxelles. Et, sur la taxation des superprofits ou sur l’écologie, Renew épouse toutes les ambiguïtés macroniennes.

Une chose est sûre, Séjourné est macroniste, donc disruptif, et s’affranchit des codes. Il va même s’éloigner de Macron, il le promet. C’est la raison pour laquelle il a affirmé, énamouré : « Mon histoire politique a réellement commencé avec Emmanuel Macron » et a choisi, pour le congrès fondateur de Renais­sance, le Carrousel du Louvre, où le patron a fêté sa victoire. Ça va sacrément secouer.


Anne-Sophie Mercier. Le Canard Enchainé. 28/09/2022


3 réflexions sur “Stéphane Séjourné

  1. christinenovalarue 03/10/2022 / 8h20

    Par qui est versé son salaire ? Renaissance ?

    • Libres jugements 03/10/2022 / 9h13

      Surtout de petites faveurs, tu sais Christine, des rubans de couleur bleu, blanc, rouge, passe-partout et privilèges.
      Amitiés
      Michel

  2. bernarddominik 03/10/2022 / 8h43

    Ce ne sont pas les convictions qui l’étouffent. Tous ces anciens PS, plus attirés par les prébendes que par la notion de partage des richesses sensée être leur programme, m’écoeurent

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