Cette mobilisation dans l’urgence ne peut que renforcer les faiblesses, les inadaptations au combat et les carences du dispositif militaire russe en Ukraine. »
Voilà, en substance et brièvement résumée, l’analyse des services de renseignement et des états-majors américains. Leurs homologues français partagent cette opinion et rappellent, pour preuve de ces considérations optimistes, que les généraux de Poutine ont mis des mois avant d’être en mesure d’envoyer en Ukraine un corps expéditionnaire de 190 000 soldats, constitué de bataillons d’un millier d’hommes chacun.
Instruction de cette chair à canon
Plusieurs autres mois vont s’écouler avant que puissent être engagés au combat ces 300 000 réservistes, et sans doute davantage — 1 million ? —, car Poutine veut ratisser large, même chez les adultes d’un certain âge. Il va donc falloir former, équiper, encadrer ces futurs soldats, et parfois leur apprendre à tirer, puis constituer les unités au sein desquelles ils monteront au front.
Autre difficulté : l’instruction des réservistes souffrira du manque cruel d’officiers et de sous-officiers dans l’armée russe, c’est-à-dire de cadres capables d’apprendre à ces « mobilisés » l’utilisation des divers armements. Même en les soumettant à une formation accélérée, « ce ne sera pas avant le printemps 2023 », selon des militaires français, que ces réservistes iront rejoindre leurs frères d’armes. Lesquels ont battu en retraite, ces dernières semaines, lors de la contre-offensive ukrainienne. Abandonnant souvent leurs chars et nombre de véhicules sans les détruire, les militaires russes ont assisté à « un écroulement progressif » de la logistique (son patron, le général Dmitri Boulgakov, a été limogé le 24 septembre) et consommé des rations alimentaires parfois « périmées ou indigestes ».
Des soldats bien mieux payés
Confidence d’un général américain à un étoilé français : « Si la Russie n’a pas été capable de gérer 190 000 combattants, comment réussira-t-elle à former, équiper, ravitailler, soutenir et déployer 300 000 hommes de plus dans les quatre régions annexées par référendum ?» Conscient, mais un peu tard, des carences de ses troupes, et avant même de décréter une mobilisation de réservistes, Poutine avait prévu d’embaucher de nouveaux soldats. Par un décret du 25 août passé inaperçu, les effectifs de l’armée russe (tous corps confondus) ont été portés à 1 150 000 hommes et femmes, soit 137 000 de plus. Puis Poutine a décidé de multiplier leurs soldes — par 3, voire par 5, selon les grades…
À en croire un général français en poste à l’Otan, les effectifs actuels du corps expéditionnaire russe sont toujours insuffisants, d’autant que Poutine se prépare à une guerre de longue durée et cherche à bénéficier d’un» glacis défensif» qui engloberait la Crimée et les régions sud et est de l’Ukraine. En espérant reprendre l’offensive, une fois l’hiver passé, avec le renfort de ces réservistes.
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Vers une fermeture des frontières russes
C’est la question que se posent plusieurs diplomates français. Ils soupçonnent le dirigeant russe soit d’envisager une fermeture momentanée des frontières, soit de vouloir établir un contrôle très strict des postes-frontières, afin d’arrêter le flux de « mobilisables » en fuite.
Les ambassadeurs de France en Turquie et en Finlande ont constaté, avec une surprise bien compréhensible, que des milliers de Russes avaient décidé de faire leurs valises dès l’annonce d’une mobilisation dite « partielle » de réservistes.
Depuis, des télégrammes diplomatiques décrivent la confusion qui règne à Istanbul et aux postes-frontières de la Turquie, de la Finlande et de la Géorgie, où les candidats à l’exil ne cessent d’affluer. Une importante « émigration » que confirment à leurs collègues français plusieurs diplomates européens.
Au Kremlin, Poutine s’en est à ce point inquiété qu’il a signé, le 24 septembre (devant les caméras de télévision), un décret alourdissant jusqu’à dix ans les peines encourues par les nombreux réfractaires à la mobilisation, assimilés à des déserteurs.
Quelques jours plus tôt, le 20 septembre, Pierre Lévy, l’ambassadeur de France à Moscou, avait été témoin de la mauvaise humeur des responsables russes:
Reçu par Alexandre Grouchko, le numéro deux des Affaires étrangères, il l’avait entendu dénoncer le « caractère inacceptable de la poursuite du « gavage » de l’Ukraine avec des armes occidentales, y compris françaises ».
Claude Angeli. Le Canard Enchainé. 28/09/2022
C’est surtout inquiétant pour les prochains mois, la Russie ne peut accepter l’humiliation d’une défaite, ça veut dire une guerre qui va durer longtemps, donc des milliards consacrés à l’achat d’armes plutôt que répondre aux besoins de la population. Une catastrophe humaine et économique