Le congrès de Renaissance, qui s’est tenu le 17 septembre au Carrousel du Louvre, poursuivait plusieurs objectifs :
1) acter la résurrection du parti macroniste (ex-En marche !) ;
2) introniser Stéphane Séjourné comme nouveau secrétaire général (à la place de Stanislas Guerini) ;
3) célébrer, avec des roulements de tambour, l’amitié indéfectible qui devrait désormais unir les macronistes pur jus et leurs alliés du MoDem (Bayrou), d’Horizons (Philippe), d’Agir (Riester) et de Territoires de progrès (Dussopt).
Ce dernier point est parfaitement réussi : tout le monde est brouillé ! Récit.
Tout commence le 14 septembre 2022, lors d’un petit déjeuner à Matignon réunissant Elisabeth Borne, Stanislas Guerini, François Bayrou et Edouard Philippe. « Vous venez bien samedi soir ? » demande la Première ministre à Bayrou et à Philippe. Acquiescement des deux dirigeants, avec ce bemol de Bayrou : « Il n’y a qu’une circonstance qui pourrait contrarier ma venue, c’est si je ne prenais pas la parole, car je ne vais pas faire 800 km dans un sens et 800 km dans l’autre pour seulement m’asseoir au premier rang et applaudir. »
Réponse de la Première ministre :
« Il n’est pas question que vous ne parliez pas tous les deux. Je m’y engage personnellement. »
Trois jours passent, Bayrou prend, samedi, l’avion pour Paris et reçoit un coup de fil de Borne à son arrivée à Roissy, à 18 heures.
« François, tu viens bien ce soir ? lui redemande-t-elle. Je te le répète, il n’est pas question que tu ne parles pas. » Nouveau coup de fil de la Première ministre, vingt minutes plus tard : « François, j’ai vérifié, toi et Edouard, vous ne parlez pas. »
Elle n’a pas ajouté que c’était Macron en personne qui avait arbitré, mais tout ce beau monde en est convaincu.
Toujours est-il que Bayrou a séché l’événement et a pesté : « De toute ma vie, je n’ai jamais invité un leader politique, un allié ou même un concurrent à nos congrès sans lui donner la parole ! »
Coïncidence : trois jours plus tard, le patron du MoDem accordait une interview au « Parisien » et foutait le bazar dans la majorité en mettant en garde l’Elysée contre un passage en force de la réforme des retraites. Quant à Philippe, il s’est pointé, lui, au Carrousel et n’a fait aucun commentaire, mais son sourire en coin était parlant.
Autre épisode fâcheux pour la cohabitation au sein de la majorité, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Franck Riester, et celui du Travail, Olivier Dussopt, sont partis de la cérémonie très remontés. Motif : ils avaient été placés tous deux à la tribune des « petits », en face de la tribune « noble », où figuraient les premières pointures (Borne, Darmanin, Le Maire, etc.).
En tant que président d’Agir, Riester a considéré que ce manque de considération frôlait l’ « outrage». Idem pour Dussopt, le patron de Territoires de progrès, l’aile gauche de la Macronie.
Ces deux-là ont manifesté leur mécontentement en refusant de monter sur scène à la fin du congrès. « Nous ne sommes pas des paillassons, a commenté le ministre du Travail. C’est une humiliation. Ce n’est pas comme ça qu’ils vont convaincre les adhérents de Territoires et d’Agir de voter le rapprochement avec Renaissance. »
L’élection — sans enthousiasme — de Stéphane Séjourné, parachuté par Macron pour diriger Renaissance, traduit sans doute ce malaise et, plus généralement, le peu d’emballement que suscite la réincarnation du parti macroniste.
Séjourné a été élu par les congressistes avec 83 % des suffrages exprimés (chiffre communiqué à l’AFP), mais les organisateurs se sont bien gardés de donner le détail du vote. Et pour cause ! Stéphane Séjourné n’a obtenu que 9 857 voix des 27 623 adhérents certifiés.
Autrement dit, 17 767 personnes se sont abstenues, ont voté blanc ou contre lui.
Un flop historique pour le parti du Président, qui montre que les « paillassons » sont nombreux et pas vraiment enclins à se laisser marcher dessus…
Article non signé – Le Canard Enchainé. 21/09/2022