Y-a-t-il un ministre de la « Transition écologique » ?

Christophe Béchu vue par Kiro (Le canard Enchainé-31/08/2022)

Le ministre de la Transition écologique fait des débuts des plus discrets.

Victor Hugo a eu ce mot à propos du général Trochu, le premier chef de gouvernement de la IIIᵉ République, en 1870 : « Trochu, participe passé du verbe Trop Choir ». Pourvu que le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, nommé le 4 juillet en remplacement d’Amélie de Montchalin, ne reste pas dans l’Histoire sous l’épitaphe « Béchu, participe passé du verbe Déchoir »…

Il a, en effet, parfois vu son nom estropié en « Déchu ». Cet ex-UDF à la carrière locale météorique (adjoint au maire d’un député giscardien à 21 ans, élu plus jeune président de conseil général de France à 29 ans…) se révèle pour l’instant un brin « déchevant », avec la prononciation de Giscard ! Aux abonnés absents ou presque pendant cet été de canicule, de sécheresse aggravée et d’incendies monstres, il semble regarder le train de la transition écologique passer.

Ce n’est pas Béchu qui s’est montré sur le front des forêts carbonisées de Gironde en juillet, mais Macron et Darmanin ; et ce n’est pas lui non plus qui fait les annonces ou même qui coordonne le séminaire gouvernemental sur l’écologie, ce mercredi 31 août. Dans un triangle des Bermudes, il paraît écrasé entre la Première ministre Borne, chargée de piloter la planification écologique, avec un secrétariat général rattaché à Matignon, et la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, qui suit les lois sur le sujet.

Vert et pas mûr

A Angers, où il a été élu maire en 2014 et réélu au premier tour en 2020, il est taxé d’avoir « verdi » sa politique tout récemment. « Il a longtemps été un adepte du tout-bagnole, explique le sénateur PS de Maine-et-Loire, Joël Bigot. Comme adjoint à la gestion des déchets de la Métropole, je lui ai proposé une taxe incitative, et [il] m’a répondu : « On ne va pas emmerder les Angevins avec ça ! » Il a longtemps été sur la ligne de Sarkozy : « L’écologie, ça commence à bien faire… »»

En 2019, il lâchait : « Je ne suis pas un grand fan de l’éolien. » Sénateur LR de 2011 à 2017, Béchu a voté en 2015 contre l’interdiction des néonicotinoïdes, ces pesticides tueurs d’abeilles… Et il est réputé proche de Christiane Lambert, patronne de la FNSEA et éleveuse de porcs en Maine-et-Loire, dont il partage les vues sur l’agriculture intensive.

Cet ambitieux frénétique se voyait déjà, petit, président de la République. La vanne qui circule sur lui en Anjou : Il a été candidat à tout sauf à Miss France ! » Outre le conseil général et la mairie, où il avait échoué de justesse en 2008, Béchu a aussi été élu député européen en 2009, conseiller régional en 2010, sénateur en 2011…

Touché à quatre reprises par le cumul des mandats, il a démissionné de trois d’entre eux moins de deux ans après avoir été élu !

En 2014, il jure de rester fidèle à Angers et de ne plus se présenter à rien jusqu’en 2020, mais, rallié à Macron entre les deux tours de 2017, il brûle d’entrer au gouvernement depuis.

Rongeant son frein, Béchu a lancé en 2019 un appel des maires en faveur de Macron, à l’origine de La République des maires, qui a servi de base au parti Horizons, d’Edouard Philippe, lequel l’a bombardé secrétaire général dès sa création, en octobre 2021. Un rapprochement stratégique qui lui a enfin porté bonheur !

Edouard Philippe défend aujourd’hui bec et ongles ce « très proche » : « On lui fait le procès de l’époque ! Il a fait le choix de réfléchir et d’analyser au lieu de se précipiter devant les télés, c’est tout à fait estimable. Christophe a du talent, c’est un type qui fait de la poloche (politique) depuis vingt ans, il a gagné des campagnes, il a été brillamment élu… »

Avec un brin d’opportunisme ? Aux municipales de 2008, il avait refusé le soutien de Sarko, mais, remarqué et poussé par le Président aux Européennes puis aux régionales, il aurait ensuite décliné sa proposition d’un secrétariat d’État à l’Aménagement du territoire, en 2011. « Ça sentait trop la fin de règne », explique un opposant local.

À qui le tradis-tu…

Réputé proche de Bertrand, il soutient Fillon contre Copé en 2012, par « proximité géographique et philosophique », comme il est lui-même l’aîné d’une famille nombreuse catholique, avec un père diacre et un cursus chez les plus que tradis Scouts d’Europe. Et, en 2016, il roule pour Juppé…

Autant de mentors que de mandats et de convictions ?

Farouche opposant au mariage pour tous, Béchu s’époumone au Sénat en 2013 contre cette « dénaturation du mariage » et signe une tribune avec Bruno Retailleau. Et cinq de ses adjoints à la mairie d’Angers refusent toujours de célébrer les mariages gay…

Béchu confie aujourd’hui (RTL, 21/7) : « Je peux vous dire que j’ai éprouvé des moments de grâce et d’émotion dans les mariages entre personnes de même sexe que j’ai eu l’occasion (…) de célébrer. »

Touché par la «grâce » ?

Par sainte Opportune, voici venu le ministre de la Transition idéologique !


David Fontaine. Le Canard Enchainé. 31/08/2022