Nouvelles incompétences ???

Variole du singe : le secret-défense pour cacher la pénurie

N’insistez pas ! ce chiffre est classé secret-défense…

Telle est la réponse qu’oppose depuis près de trois mois le gouvernement aux curieux qui cherchent à connaître l’état des stocks français de vaccins antivarioliques. Mais ce numéro martial cache mal la réalité : la France ne dispose aujourd’hui que de quelques centaines de milliers de doses de vaccin dit « de troisième génération » (qui n’entraîne pas d’effets secondaires graves).

Ces produits, baptisés Imvanex et Jynneos, sont indispensables pour protéger les populations à risque (à commencer par les gays à partenaires multiples) contre l’actuelle épidémie de variole du singe. Celle-ci entraîne des infections, certes moins graves que la variole classique, mais qui peuvent s’avérer extrêmement douloureuses et très handicapantes.

Pour calmer les inquiets et les impatients, le ministère de la Santé ne cesse de répéter qu’il y aura des vaccins pour tout le monde et qu’il faut le croire sur parole.

Pas de quoi rassurer les candidats à la vaccination, qui passent des heures devant leur ordinateur avant de décrocher un rendez-vous, accordé parfois pas avant octobre ou novembre prochains. Ni les chanceux qui ont eu droit à une première injection mais qui apprennent que leur deuxième piqûre (nécessaire pour une protection optimale) ne leur sera pas délivrée au bout du délai normal de vingt-huit jours.

Bonneteau vaccinal

Et ce ne sont pas les propos de la ministre déléguée à la Santé qui vont leur rendre le sourire : « Nous ne sommes pas dans l’urgence pour la vaccination », a grincé Agnès Firmin Le Bodo sur BFM (4/8).

Elisabeth Borne a tenté de voler au secours du ministère de la Santé sur le site du magazine LGBT+ « Têtu » (5/8), en expliquant à sa façon les difficultés d’approvisionnement : « Il se trouve que le vaccin ne peut pas circuler n’importe comment car il se conserve dans des conditions de basse température. »

Une affirmation à nuancer un brin. Comme l’indique une note de l’Agence nationale de sécurité du médicament datée du 26 mai, Imvanex et Jynneos peuvent se garder de deux à trois ans dans un congélateur classique (que l’on trouve dans tous les hôpitaux) à une température comprise entre — 15 et — 25 degrés. Une fois décongelé, Imvanex (le plus utilisé) se conserve même pendant huit semaines dans un banal frigo…

Pour calmer les râleurs, le ministère a fini par ouvrir la vaccination aux pharmacies. Mais à un train de sénateur : une expérience va avoir lieu durant quinze jours dans… quatre officines seulement ! En fait, il s’agit surtout de gagner du temps, en attendant les livraisons de doses espérées pour septembre…

La règle du secret-défense sur les vaccins antivarioliques est à géométrie variable. Elle ne s’applique jamais quand la France dispose de stocks impressionnants !

En 2001, le gouvernement se vantait dans la presse de posséder un stock de 5 millions de doses de première génération. Deux ans plus tard, le pays en détenait 70 millions et « autant d’aiguilles, embouts et pipettes ».

Mieux : à la demande du Conseil supérieur d’hygiène publique, la Direction générale de la santé avait mis au point un plan très détaillé pour vacciner 60 millions de personnes en quatorze jours seulement. A vos seringues, prêts, piquez !

Il s’agissait alors de rassurer l’opinion-après la panique déclenchée par de multiples alertes aux colis piégés à l’anthrax (un bacille ultra-dangereux) survenues aux Etats-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Mais, une fois passée la vague d’angoisse liée à un supposé terrorisme bactériologique, les réserves de vaccins périmés ont cessé d’être renouvelées…

Stocks évanouis

Ainsi, en septembre 2007, un rapport sénatorial révèle que les réserves ne sont plus mirobolantes. Il n’est plus question de vacciner toute la population : « Pour la variole, (…) même si les stocks ne sauraient être suffisants en cas de crise, ils permettraient néanmoins d’amorcer une couverture vaccinale en attendant une nouvelle production industrielle », tente de rassurer le rapporteur.

En 2012, le Haut Conseil de la santé publique donne son avis sur l’arrivée prochaine des nouveaux vaccins Imvanex et Jynneos, plus efficaces, moins dangereux mais plus chers. Il estime alors que les besoins pourraient grimper jusqu’à 4,02 millions de doses en cas de crise.

Il se contente pourtant de « recommander » l’acquisition de 250 000 doses (sans compter les besoins des militaires en cas de guerre bactériologique) le gouvernement suivra – en gros – cette dernière préconisation. Depuis une bonne partie des 70 millions de doses recensées en 2003 sont partis à la poubelle. Et celles qui restent sont devenues difficilement utilisables vu les risques sanitaires non négligeables que fait courir ce genre de vaccination « à l’ancienne ». Le secret défense accédera les poseurs de questions…


Hervé Liffran. Le Canard Enchaîné. 10/08/2022


2 réflexions sur “Nouvelles incompétences ???

  1. christinenovalarue 18/08/2022 / 8h48

    Est-ce que l’on sait où sont fabriqués ces vaccins ? Sûrement pas en France…

    • Libres jugements 18/08/2022 / 13h58

      Je n’ai trouvé aucun lieu officiel de production de ces vaccins.
      Bien sûr, ils existent… mais top secret… pour le moment
      Amitiés
      Michel

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