« Aucun Français en première ligne au Sahel ». Sic.

Un diplomate résume ainsi le virage pris par Macron.

Mais rien qui permette d’entrevoir la fin du terrorisme.

« Si nous ne gagnons pas la guerre du développement, nous perdrons à terme la guerre contre le terrorisme. » C’est en ces termes que Hassoumi Massaoudou, le ministre nigérien des Affaires étrangères, a accueilli, à Niamey, Catherine Colonna, la nouvelle patronne du Quai d’Orsay.

Mais pourquoi personne n’ose jamais dire que les djihadistes finiront par l’emporter si le Niger et les autres pays africains « ne gagnent pas (aussi) la guerre contre la corruption » ?

Pour ne pas être accusés de néocolonialisme, les dirigeants français successifs se sont toujours gardés d’aborder ouvertement cette question trop sensible. Mieux : ils continuent de ménager leurs amis chefs d’Etat et dictateurs.

Reçus le 15 juillet au Niger par le président, Mohamed Bazoum (qui a naguère tenté de négocier avec certains groupes djihadistes), Catherine Colonna et Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, avaient pour mission d’expliciter le virage pris par Macron et la stratégie de la France, qui, désormais, « repose à la fois sur un volet civil (aide au développement, assistance humanitaire, prévention des conflits) et sur un volet militaire ».

Puis, devant leurs autres interlocuteurs, les deux ministres ont souligné leur volonté de « concertation permanente » (sous-entendu : vous êtes maîtres chez vous…) et ont précisé que les militaires français interviendraient toujours sous le commandement de généraux nigériens.

Illustration de ces propos : sur la base de Ouallam, au nord de Niamey, où vont camper des forces françaises, seul le drapeau du Niger flottera sur la place centrale, et non les trois couleurs des militaires, invités à se montrer « discrets » par Colonna et Lecornu, venus les saluer le 15 juillet.

Appels au secours aériens

Cette relative modestie des propos ministériels est ainsi approuvée par un expert militaire qui s’intéresse à cette « Afrique des colonels » et fait amende honorable : « Nous, Français, avons perdu en popularité, en rayonnement. L’outil militaire ne répond plus et le modèle français (d’intervention) est en panne. »

Plusieurs analystes des services de renseignement sont sur la même longueur d’onde. Ils soulignent l’instabilité et les exodes de populations menacées, les progrès de la pauvreté et la « démographie galopante ».

Devenu indépendant en 1960, le Niger, par exemple, comptait alors 3 millions d’habitants. Il en affiche aujourd’hui 20 millions, un chiffre appelé à augmenter encore dans les dix ans à venir. Autre danger, les trop faibles ressources alimentaires au Sahel font craindre des « émeutes de la faim ».

Selon les projets élyséens, le Niger sera, pour les militaires français, un point d’ancrage en Afrique de l’Ouest, avec environ 1 500 hommes. Et c’est de Niamey ou de Ouallam que seront pilotées les opérations lancées contre les groupes djihadistes. Au sein de la base française de Niamey, tout est déjà prêt pour de futures interventions aériennes : drones espions, drones tueurs, hélicoptères d’attaque Tigre, etc., mais, pour l’instant, aucun Mirage 2000.

Dès lors, pourra-t-on maintenir que les militaires français combattront toujours « en deuxième ligne » ? Viendra le moment où le Niger ou d’autres États du Sahel appelleront à leur secours les avions (six Mirage 2000 basés à N’Djamena, la capitale du Tchad) et les drones tueurs français, afin de faire face à des attaques djihadistes de plus en plus massives.

Aujourd’hui, les terroristes exercent leurs talents au Niger, au Burkina Faso, au Togo, au Bénin, et projettent de massacrer encore au Sénégal et en Côte d’Ivoire.

A l’évidence, ils disposent de toutes les ressources nécessaires pour s’équiper, s’armer, et ils ne rencontrent guère de difficultés à recruter informateurs, partisans et combattants.


Claude Angeli. Le Canard Enchainé. 20/07/2022