TCHAO Didier Lallement

Il va partir comme il est arrivé, droit dans ses bottes.

Qu’est-ce qu’il s’en moque, d’être l’homme à abattre d’une partie de la presse et de quasiment toute la gauche, oui, il s’en moque comme de sa première casquette. Et, les politiques, ces nains, surtout les parlementaires, il ne cache plus le mépris qu’ils lui inspirent.

Convoqué le 9 juin devant le Sénat pour répondre aux questions de la commission d’enquête sur la calamiteuse soirée de finale de la Ligue des champions au Stade de France, Didier Lallement n’a pas pris de gants. Cuisiné par la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie sur les conséquences personnelles qu’il entendait tirer de ce fiasco assumé, il la regarde froidement : « En quoi elle vous intéresse, ma situation personnelle ? Je suis un haut fonctionnaire révocable ad nutum tous les mercredis, c’est quoi votre problème ? » Stupeur des sénateurs, petit sourire de Lallement. C’est comme ça qu’il faut leur parler, comprennent que ça, hum, c’est si bon d’être un méchant de série B.

Lallement, que feu Paul Quilès, dont il fut conseiller technique, définissait comme « un fanatique de l’obéissance », ajoutant finement « et les politiques ont besoin de ce genre de profil », aura tenu jusqu’au bout, mettant en scène tous les jours son dévouement de chien de berger affecté à la protection de Darmanin et de Macron. Il croise le Président le 18 juin, quelques semaines après la finale de la Ligue des champions. Au cordial « comment ça va, monsieur le Préfet ? », il répond, imperturbable : « Très bien, monsieur le Président, je protège le ministre. » Un peu grossier comme manoeuvre, mais longtemps efficace.

Plomb dans le zèle

Car Lallement aura survécu, depuis sa nomination à la Préfecture de police (PP) de Paris, en mars 2019, à un nombre im­pressionnant de sanglants excès de zèle, comme la violence envers les gilets jaunes, le passage à tabac du producteur de musique Michel Zecler, ou encore la mort de Cédric Chouviat, étouffé sous le poids de trois policiers. A l’égard de ces deux victimes, Lallement s’est montré, comme à son habitude, modérément empathique. Apprécié de ses patrons successifs (Chevènement, Perben, Darmanin), qui louent sa loyauté, sa technicité, il soigne la base. « Vis-à-vis des policiers et des gardiens de la paix, il sait y faire : il fait venir les moyens, il va sur le terrain, montre du respect, ne lésine pas sur les décorations », rigole un commissaire. Mais, explique un préfet qui le connaît bien, « le problème, quand on tombe sur un dingue du maintien de l’ordre comme lui, c’est que certains individus de l’institution qui sont un peu borderline se sentent pousser des ailes ». Ça aussi, il s’en moque, on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs, pas vrai ?

La délinquance du quotidien non plus, ça ne l’a guère intéressé. « Lallement ne s’est investi que sur les questions d’ordre public, et, le reste, il l’a négligé. C’est un solitaire obsédé par sa feuille de route », déplore un préfet de la petite couronne. La PP, il en rêvait, Valls l’y poussait, mais Hollande, méfiant, l’a bloqué. Avec Macron, l’entente est immédiate. La mission est simple : plus jamais de saccage des Champs-Elysées, plus jamais de ministère assiégé, de pouvoir acculé comme en ces jours de fin 2018 où le chef de l’Etat dut se réfugier quelques heures dans son bunker de l’Élysée. Allez-y, Lallement, vous avez carte blanche.

La paix des Brav !

Il a donc déployé ses ailes en créant en particulier les Brav-M, brigades de répression de l’action violente motorisée, et en insufflant à ses troupes ce que ce fana de la Légion étrangère appelle « l’esprit de Camerone », bref, la gagne. Mais, devant 400 millions de téléspectateurs, il a accumulé les erreurs et les affabulations, s’attirant les foudres de la commission d’enquête sénatoriale. « Cet échec tient aux décisions prises par le préfet de police », tacle François-Noël Buffet, le président (LR) de la commission des Lois. C’est Didier Lallement qui a soufflé au directeur de cabinet de Darmanin le chiffre hautement fantaisiste de 40 000 faux billets, et il « assume ». Il n’a pas démissionné, mais Darmanin, qui n’a pas apprécié, le pousse désormais vers la sortie. Laurent Nuisez devrait le remplacer.

Que va-t-il faire de ses journées, lui qui ne quitte jamais son blouson « police » et adore se balader avec ses nombreuses breloques (commandeur de la Légion d’honneur, chevalier des Arts et des Lettres, chevalier de l’Ordre du mérite maritime, médaille de l’aéronautique, médaille de la jeunesse et des sports…) ? Il va retourner à la Cour des comptes, où ses qualités techniques feront merveille. Peut-être lui donnera-t-on une nouvelle breloque le jour de son départ.

Finalement, rien n’a changé, il faut toujours compter sur les Anglais pour bouter Lallement hors de Paris.


Anne-Sophie Mercier. Dessin de Kiro. Le Canard Enchainé. 20/07/2022


2 réflexions sur “TCHAO Didier Lallement

  1. bernarddominik 26/07/2022 / 15h32

    Lallement ne s’est pas préoccupé de la sécurité des parisiens, il n’a songé qu’à couvrir président et ministre. Paris est un véritable coupe gorge mais monsieur le PP n’en a que faire. La manière dont les voyous des banlieues ont pu impunément voler au stade de France montrerait plutôt sa complicité avec les bandes de voyous. Et au fond on retrouve bien là la macronie qui ne veut pas regarder les « petits » problèmes des français préférant les ronds de jambes des affaires étrangères

  2. jjbadeigtsorangefr 26/07/2022 / 16h05

    La médaille du sauvetage pour ceux qui, balancés dans la Seine, en sont sortis…………….

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