“Ces gens-là”…

… si seulement Caroline Cayeux pouvait en profiter pour écouter Jacques Brel

Si jamais Madame Cayeux, ministre des Collectivités territoriales, […] devait lâcher son portefeuille, au moins aurait-elle un peu de temps pour méditer le poids idéologique des mots ; et se détendre à l’ombre, en écoutant Jacques Brel qui chanta Ces gens-là, mais pas les mêmes, pas les siens. Car on peut tous être les « ces gens-là » de quelqu’un…

Ceux de Brel étaient de petits-bourgeois fossilisés dans leur souci des apparences, planquant sous une bienséance d’apparat leurs lâchetés quotidiennes. Et la vérité sort de la bouche des poètes. Il les connaissait bien pour les avoir croisés dans sa jeunesse bruxelloise protégée. Leurs tristes figures traversent son œuvre comme autant d’entraves à la liberté. Cocasse clin d’œil, dans la chanson, « ces gens-là » font tout pour empêcher une histoire d’amour, pas assez convenable à leurs yeux…

La ministre des Collectivités territoriales réitère ses excuses après ses propos « stupides et maladroits » sur le mariage pour tous et les homosexuels, mais la gronde continue, y compris au sein de la majorité.

Elle a notamment qualifié les homosexuels de « ces gens-là »… Trois petits mots qui ne passent pas. Sauf dans la chanson de Brel.

« Je dois vous dire quand même : j’ai beaucoup d’amis parmi ces gens-là »… […] Ses excuses à répétition, depuis sa petite phrase lancée, sourire aux lèvres, sur un plateau de Public Sénat mardi 12 juillet 2022, n’y feront sans doute rien : dans la France [actuelle], on ne tolère pas, [et] heureusement, qu’un personnage public, ministre qui plus est, puisse qualifier les homosexuels – ou n’importe qui – de « ces gens-là ». Avec le petit air de commisération qui va de pair. Je daigne fréquenter ces gens-là, les autres, les pas comme nous, les pas normaux… Si on ne l’avait entendu de nos propres oreilles, pas sûr même qu’on y croirait.

Elle […] pensait s’exonérer ainsi des accusations d’homophobie qui la suivent depuis son opposition au mariage pour tous en 2013 – un « dessein contre-nature » disait-elle alors, propos qu’elle assurait maintenir encore mardi dernier, juste avant son « ces gens-là »…

Depuis, l’incendie politique s’étend, dans la société civile (des associations portent plainte), au sein de l’opposition (de gauche surtout), mais aussi dans les rangs du gouvernement et de la majorité présidentielle.

Clément Beaune, nouveau ministre des Transports, n’y est pas allé par quatre chemins sur le plateau de LCI, évoquant sa propre orientation sexuelle : « Je fais partie de “ces gens-là”. Je ne le dis pas à titre individuel, je le dis par conviction politique. Le combat pour l’égalité, contre les extrêmes, pour des valeurs qui me tiennent à cœur, c’est un combat que je mènerai toujours. »

Affaire à suivre… Après Damien Abad, qui ?


Valérie Lehoux. Télérama. Source (Extraits)