Plus de cochons, plus d’emplois, plus de charcuterie…
Mais aussi plus d’odeurs, de nitrates et d’ammoniac dans l’air !
A Feusines, un tout petit village de l’Indre (200 habitants), le dossier d’extension d’une porcherie (de 4.000 à 9.000 têtes) et de ses unités de méthanisation (avec deux nouvelles cuves, produisant du gaz à partir du lisier) pourrait tourner en eau de boudin.
Le projet, en tout cas, fait grouiner les riverains, soutenus par la Confédération paysanne et par l’association Indre Nature.
Parmi leurs préoccupations : la vie de ces animaux, élevés sur un caillebotis laissant passer les déjections et qui ne connaîtront jamais la lumière du jour. Les méthaniseurs, eux, produisent certes du digestat, contenant nitrates et phosphates utilisables comme engrais.
Sauf que, à en croire la direction régionale de l’environnement, la concentration en nitrates dans l’eau dépasse, à Feusines, le seuil de potabilité (50 mg/l).
Or ce liquide est précieux.
- L’éleveur (qui n’a pas souhaité s’exprimer) prévoit d’en pomper 20.000 m3 par an, soit une fois et demie la consommation du village, au sein d’un département très vulnérable à la sécheresse.
- En 2019, l’Indre était tarie.
- Depuis avril 2022, trois arrêtés préfectoraux, déjà, ont restreint la consommation de flotte. Et les cochons ne sont pas les seuls à polluer.
- Le 18 juin 2022, Châteauroux (le chef-lieu) condamnait 25.000 habitants à l’eau en bouteille. La faute à la bactérie E. coli, présente dans les bouses de vache et retrouvée dans les nappes souterraines.
Exode agricole
Au-delà des nuisances, une question se pose :
- le Berry a-t-il vocation à imiter la Bretagne et son modèle d’élevage porcin intensif, producteur d’algues vertes ?
- Afin d’alimenter l’une des plus grandes porcheries de l’Indre, le bocage local pourrait se transformer en… plaine céréalière.
- Le même 18 juin 2022, 80 opposants au projet se sont offert une sortie nature pour dénoncer les coupes de haies entourant les champs de l’éleveur porcin.
Contrairement à son collègue de Feusines, le maire de Pérassay défend le dossier. Il est agriculteur : « On est accusés d’être des pollueurs parce qu’on s’agrandit, mais, ceux qui sont partis, on n’en parle pas. »
En 2020, le département comptait 23 % d’exploitations agricoles de moins qu’en 2010…
- Grâce au label bio et à une production charcutière à la ferme, certains petits éleveurs s’en sortent bien, mais ils ne représentent qu’une minorité.
- Un environnement plus sain mais des paysans en galère ?
- Une agriculture qui repart… aux dépens de la qualité de vie ?
Sympa, le dilemme proposé au préfet, qui, avant le 31 août, devra statuer sur la faisabilité du projet.
Mathilde Picard Le Canard Enchainé. 29/06/2022