Comme du petit-lait

Rififi dans le monde du cracking du lait.

Pour transformer le lait en or blanc, les industriels de l’agro-alimentaire imitent les compagnies pétrolières : ils pratiquent le cracking. Comme dans les raffineries, le lait est fractionné afin d’en extraire des sous-produits à haute valeur ajoutée. Un domaine dans lequel la France excelle.

Avec plus de 7 millions de vaches laitières, nous sommes ainsi le premier fabricant et exportateur mondial de lactosérum. Comptez plus de 500 000 tonnes par an. Ce « déchet» de l’industrie fromagère, appelé aussi « petit-lait », pauvre en graisses mais ultra-protéiné, est plébiscité par les bodybuilders et, surtout, par les éleveurs, pour faire « pousser » plus vite le bétail.

A trop vouloir faire son beurre avec le lactosérum, le numéro 1 mondial des produits laitiers (20 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel) vient de se prendre un coup de louche de la justice. En effet, le français Lactalis, qui jure n’avoir rien à se reprocher, a été mis en examen par un juge breton pour escroquerie, tromperie et falsification de denrées alimentaires.

Sa filiale Lactalis Ingredients est accusée d’avoir berné un fabricant d’aliment d’allaitement pour bétail en lui vendant du petit-lait coupé avec un sous-produit dix fois moins cher que le lactosérum. En l’occurrence, du perméat de lait. Léger grumeau : ce résidu de cracking, habituellement fourgué pour des clopinettes à l’agroalimentaire, qui l’utilise comme agent de charge pour lester ses produits, ne contient pas la moindre protéine.

En 2016, des éleveurs alertent la société Serval, modeste entreprise des Deux-Sèvres spécialisée dans l’aliment d’allaitement : leurs veaux font la moue devant la mangeoire et grossissent moins vite que prévu. Après analyses de la pitance, Serval s’aperçoit que le lactosérum vendu par Lactalis est coupé avec du perméat, dont l’odeur rebute les bêtes.

L’entourloupe était jusqu’à présent passée inaperçue car le lactosérum du géant laitier était touillé avec le petit-lait d’autres fournisseurs, et la faible concentration de perméat échappait aux narines bovines.

L’ajout de perméat passait égale­ment sous les radars du test censé vérifier que le lactosérum contenait bien les 11 % de protéines imposés dans le cahier des charges. Explication : ledit test déduit le taux de protéines de la quantité d’azote, or le perméat est bourré… d’azote.

Furibard de s’être fait gruger, Serval, qui, entre 2011 et 2016, a acheté à Lactalis 12 500 tonnes de lactosérum pour 10 millions d’euros, a porte plainte contre le mastodonte du lait. Son avocat, Me Alexandre Varaut, assène :

Depuis soixante ans, mon client vise l’excellence, cette fraude est un coup de poignard à sa réputation.


2 réflexions sur “Comme du petit-lait

  1. bernarddominik 22/06/2022 / 8h43

    Lamentable ces petites combines.
    On peut alors se poser la question de la fiabilité des autres produits laitiers de Lactalis

  2. bernarddominik 22/06/2022 / 8h44

    Le capitalisme dans toute sa splendeur

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