Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’origine de l’expression n’est pas une maladie.
Les carabins (différents des « carabins de Saint-Côme », l’ancienne École de chirurgie) étaient au XVIe siècle des soldats de cavalerie légère qui avaient troqué la –lance traditionnelle contre une sorte de mousqueton court, adapté à l’équitation : la carabine.
Ces cavaliers redoutables adoptaient une tactique efficace et meurtrière : ils arrivaient en trombe sur les rangs ennemis, déchargeaient leur arme et faisaient demi-tour avant d’attendre la riposte.
Ces attaques soudaines, à bout portant, faisaient des ravages chez les malheureux fantassins et autres hallebardiers qui, si j’ose ce calembour, en prenaient pour leur rhume !…
Agrippa d’Aubigné décrit ainsi une de ces charges : « La cavalerie du prince avait quitté les lances, et avaient presque tous des carabines, desquelles, avant de tirer le pistolet, ils avaient abattu la plupart des piquiers de la longueur de leur bois. »
Cette escalade dans la violence armée (un bien timide premier pas !) frappait les imaginations, un peu comme de nos jours le passage d’une vague de bombardiers lourds. Même combat, si l’on peut dire !
Ces « carabinades » furent donc vite célèbres et passèrent dans le langage :
On y redoute vos œillades
Autant que des carabinades
dit Scarron, sur un ton flatteur.
Il en résulta le verbe « carabiner », se battre en carabins : « Se dit figurément (explique Furetière) en parlant de ceux qui entrent en quelque compagnie, & qui s’en retirent aussitôt : ce qui se dit sur tout des joueurs de dez de bassette, de lansquenet, qui viennent jouer deux ou trois coups, & qui s’en vont aussitôt sans vouloir tenir jeu aux autres. »
Cette idée d’alternance fut appliquée à d’autres manifestations soudaines, et d’abord à un vent qui souffle en fortes rafales : un vent carabiné.
Cette violence brusque passa ensuite, par analogie, aux accès de la fièvre, et de là à toutes sortes de saletés (dont le rhume, qui précisément vous saisit lui aussi sans crier gare, en toute saison !)
Claude Duneton. « La puce à l’oreille »