Culture « élitiste » contre culture « populaire »… Wauquiez appuie sur les leviers qui clivent.
Quand la culture est prise en otage dans des règlements de comptes politiques, quand elle devient un enjeu idéologique, le pire est à craindre et tout le monde finit par y perdre : les artistes, le public et les lieux de culture. C’est pourtant ce qui est en train de se passer en Auvergne-Rhône-Alpes, où, sous couvert d’un rééquilibrage entre les métropoles et « les territoires qui en sont le plus éloignés », le président (LR) du conseil régional, Laurent Wauquiez, assèche de façon systématique tout ou partie des subventions dont bénéficient plus de cent cinquante institutions ou manifestations majoritairement situées dans les grandes villes de la Région. Pas n’importe lesquelles. Lyon et Grenoble sont dirigées par les écologistes, Villeurbanne tenue par les socialistes et Saint-Étienne par un élu de la droite modérée.
« Il » Coupe
La liste des coupes claires est impressionnante et variable selon les structures : de 500 à 500 000 euros. On y trouve de grandes institutions comme l’Opéra et les Biennales d’art contemporain et de la danse de Lyon, la Maison de la culture de Grenoble (MC2); des théâtres, à l’instar du TNP de Villeurbanne, de la Comédie de Saint-Étienne, du Théâtre de la Croix-Rousse, de Nouvelle Génération ou des Subsistances, à Lyon… ; sans oublier la Villa Gillet, organisatrice du festival Littérature Live, l’Institut Lumière ou l’Observatoire des politiques culturelles, à Grenoble. Inventaire non exhaustif. Le montant des subventions supprimées s’élève à quelque 4 millions d’euros dont la moitié pour la seule ville de Lyon.
Un séisme inattendu.
Tout s’est décidé sans aucune concertation dans le cercle étroit du cabinet du président du conseil régional. Alors, partout, ont surgi la même incompréhension, le même sentiment d’être méprisé, encore alimenté par l’attitude de la Région qui se mure dans le silence et ne semble pas prendre la mesure des conséquences de ces baisses brutales et tardives.
Méconnaissance du mode de fonctionnement des institutions culturelles ou cynisme?
Le résultat est là. Moins d’argent, ce sont des spectacles annulés, des compagnies dont le travail diminue, des postes supprimés, des intermittents qui n’obtiennent pas le nombre d’heures leur ouvrant droit au chômage. Pour la Maison de la danse à Lyon, c’est la perspective d’un déficit en fin d’année faute de pouvoir résilier une programmation d’automne déjà signée et engagée.
Une justification fallacieuse à double titre.
Droit dans ses bottes, la collectivité campe sur sa position de « consacrer une partie plus importante du budget culture pour favoriser les initiatives et les projets auprès des habitants éloignés des grandes institutions culturelles ». D’abord, parce que de nombreux festivals ruraux sont affectés par cette baisse. Ensuite parce qu’elle ignore (ou feint de le faire) l’action d’institutions lyonnaises comme la Villa Gillet, l’Opéra, les Biennales en direction précisément de ces publics.
Alors, forcément, les raisons de ces choix interrogent : « Nous doutons fort que la politique culturelle de la Région soit réellement conduite avec des critères transparents de rééquilibrage, les décisions d’octroi de subventions semblant plutôt relever en permanence de l’arbitraire, voire du clientélisme », dénoncent les élus écologistes et de gauche dans une lettre ouverte rendue publique mercredi 11 mai 2022.
De leur côté, les acteurs du monde culturel n’en pensent pas moins. Cependant, ils préfèrent se taire pour ne pas être encore plus pénalisés, ou dans l’espoir d’arbitrages budgétaires plus cléments à l’avenir. Tous ont néanmoins le sentiment d’être instrumentalisés pour des raisons politiques et jugent que l’action de Laurent Wauquiez obéit à des fins personnelles.
Le moment choisi pour annoncer ce « rééquilibrage » (entre l’élection présidentielle et les législatives) n’a rien d’anodin. Si la culture n’a jamais fait élire personne, elle permet d’envoyer des signes à ses électeurs. Cogner sur la culture a toujours été un des marqueurs de la droite conservatrice, alors Laurent Wauquiez appuie sur tous les leviers qui clivent: la ville contre la campagne, les petits opérateurs contre les gros, une culture « élitiste » contre une culture « populaire » Ce faisant, son message politique déborde largement la Région Auvergne-Rhône-Alpes et le conforte dans sa posture de leader national de la droite dure.
Derrière ces attaques, c’est aussi une certaine idée de la culture est visée.
Une culture ouverte au monde et tournée vers de nouvelles formes d’expression bien éloignées de celles que dessine l’instance régionale, repliée sur des récits patrimoniaux ancrés dans l’identité locale et l’événementiel. En témoignant le vaste projet de centre muséographique et historique de la civilisation gauloise sur le plateau de Gergovie, celui dispendieux du musée des Tissus à Lyon, ou le futur musée Saint-Exupéry dans l’Ain.
Un positionnement qui va de pair avec une posture idéologique affirmée jusque dans l’éducation : la Région aide au financement de projets proposés par les lycées dans le cadre de thématiques qu’elle définit elle-même. Pour l’année scolaire 2021-2022, elles étaient au nombre de six. Celles à venir seront réduites à quatre et rebaptisées. « Valeurs de la République » y cohabite désormais avec « Volonté d’entreprendre », « Sport » et « Fier de son identité régionale, mémoire et patrimoine » qui remplace « Culture et patrimoine ». Un champ lexical identique à celui du programme présidentiel du Rassemblement national, qui avait réduit la culture à sa seule dimension patrimoniale et mémorielle.
Pour mieux prêcher sa bonne parole, le conseil régional a récemment annoncé la mise en place à la rentrée d’une Charte des droits et devoirs.
Les lycéens devront la signer et s’engager à la respecter pour acquérir ou actualiser le Pass Région qui leur donne droit à une multitude d’avantages, comme des places de cinéma à 1 euro, une réserve d’argent pour l’achat de billets de concert, de spectacle ou de livres; ou l’accès gratuit aux musées.
En lien avec les chefs d’établissement, la Région s’arroge même la possibilité de suspendre ces spécificités « en cas d’incivilités et d’actes malveillants ». C’est oublier que l’accès à la culture est une liberté fondamentale qui n’a rien à voir avec la conduite des individus en société régie, elle, par la loi.
Tout à son combat idéologique, Laurent Wauquiez semble l’avoir oublié.
Olivier Milot – Télérama. N° 3776 – 25/05/2022
Tout ce qui dégrade la culture raccourcit le chemin qui mène à la servitude. Nous ne contredirons pas Albert Camus ,Wauquier suppôt du capitalisme ne se prive pas et de façon dictatoriale distribue l’argent du contribuable à ses amis. En finir avec cette république devient une urgence cruciale alors utilisons notre bulletin de vote……