Un superhéros vert?

Emmanuel Macron l’a promis : pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique et la crise environnementale, son nouveau Premier ministre sera chargé d’une énigmatique «planification écologique»… Peut-on y croire ?

Nos pratiques politiques, notre fonctionnement institutionnel, notre culture administrative minent toute action écologique. C’est du moins ce qu’explique dans son livre, 800 Jours au ministère de l’Impossible, Léo Cohen, ancien conseiller de la secrétaire d’État chargée de la Biodiversité Barbara Pompili (2016-2017), puis du ministre de la Transition écologique François de Rugy.

Pourtant, dit-il aussi, il se pourrait qu’Emmanuel Macron surprenne sceptiques et détracteurs par les nouveaux moyens qu’il entend se donner.

  • Être ministre de l’Environnement, est-ce mission impossible?

[…] … la conviction que je tire de mes deux expériences au ministère de l’Écologie, sous deux majorités différentes et avec des blocages identiques, c’est qu’il existe une incompatibilité radicale, organique, entre les impératifs écologiques et la manière dont est organisé notre système politique.

  • Pourquoi?

Les politiques écologiques ont leurs caractéristiques propres : transversalité, temps long, difficultés à les mettre en œuvre socialement, parce qu’elles touchent à l’intime, à la manière dont il va falloir se loger, se nourrir, se divertir, voyager… […]

Défendre l’écologie dans un gouvernement, c’est demander à un marathonien de courir un 100 mètres. Tant qu’on n’aura pas analysé cette contradiction, et qu’on n’aura pas mis notre système en conformité avec cet enjeu, les mêmes causes produiront les mêmes effets. […]

  • Vous évoquez la haute administration. Est-elle hermétique à l’écologie?

 […] personne ne conteste les rapports du Giec, mais entre le fait d’avoir conscience de l’enjeu et le fait de l’intégrer comme un axe central de l’action publique, le pas n’a pas été franchi.  […]

  • Comment changer l’état d’esprit de la haute administration?

Par la formation, d’abord.  […]

Second levier, la mobilité. Faire bouger les agents, et les confronter soit à des problématiques climatiques, soit à des territoires soumis à de forts enjeux environnementaux, permettrait d’éveiller les consciences. Pour autant, je ne crois pas à une évangélisation généralisée.

Ce sont les instruments avec lesquels on élabore et on pilote les politiques qu’il faut changer. L’article 40 de la Constitution dit que les députés ne peuvent pas déposer d’amendement qui accroisse la dépense publique.

Résultat : encore une fois, on regarde tout sous l’angle budgétaire […]

  • Autre problème, le périmètre du ministère de l’Écologie, qui s’étend sans grand résultat…

L’Énergie et l’Équipement ont été incorporés à l’Environnement sous Nicolas Sarkozy, le Logement plus récemment. Si on ajoutait l’Agriculture et l’Industrie, il n’y aurait plus qu’un seul grand ministère. Je ne crois pas que ce soit la solution.  […]

  • Reste que l’ingérence des lobbys s’avère particulièrement forte…

En 2016, j’ai défendu la loi biodiversité qui agrégeait contre elle tout ce que la France compte de corporations : les chasseurs, les pêcheurs, les agriculteurs, les géants de l’agrochimie et même les moulins (car oui, il existe un lobby des moulins)! Chacun y allait de sa méthode : la pression locale, l’envoi d’amendements rédigés, le chantage à l’emploi. Or s’il est possible d’affronter un lobby, faire face à une coalition est ingérable.  […]

  • N’est-ce pas au gouvernement que la volonté manque?

Le discours d’Emmanuel Macron à Marseille, le 16 avril, annonce un virage écologique («La politique que je mènerai dans les cinq années qui viennent sera écologique ou ne sera pas », y a-t-il déclaré). Ce n’est pas la première fois qu’il évoque un tel virage dans une séquence électorale.

En 2019, au moment des européennes, Yannick Jadot l’avait accusé de piller les voix écologiques. Emmanuel Macron assume de dire que l’écologie n’est pas dans son logiciel initial. Mais à échéance régulière, il met en place de nouvelles instances ou de nouveaux outils, afin de le contraindre à être mieux disant sur le sujet.

En 2018, il crée le Haut Conseil pour le climat, pour que les scientifiques lui tapent sur les doigts, puis le Conseil de défense écologique pour le pousser à produire des arbitrages favorables, puis la Convention citoyenne pour le climat, pour que les citoyens lui mettent la pression.

Les résultats ne sont pas là…

 […]

De nombreux Français considèrent l’écologie comme « punitive», un luxe pour les nantis…

Le seul sujet au-dessus de l’écologie dans leurs attentes, c’est le pouvoir d’achat. Or, parmi les dépenses obligées des classes populaires, le logement, les transports, le chauffage et l’alimentation occupent une place démesurée.

Autant de secteurs où pouvoir d’achat et écologie sont les deux faces d’une même médaille. Si demain on arrive à changer de véhicule pour un coût supportable, on passera d’un plein d’essence de 70 euros à une recharge électrique de 7 euros.

Accélérer les travaux de rénovation des passoires énergétiques réduira la facture énergétique.  […] À chaque fois qu’on envisagera des projets écologiques structurants, entraînant des mutations professionnelles, on sera à la charnière de l’écologie et du social. C’est sur ce terrain qu’est attendu le chef de l’État.


Vincent Remy. Télérama N° 3773. 04/05/2022 (Extraits)


Une réflexion sur “Un superhéros vert?

  1. jjbadeigtsorangefr 17/05/2022 / 22h55

    Il faut d’abord en finir avec la loi du fric, demandez le programme….

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