Portrait d’une opiniâtre…

… que le monde politique redoute !

Anne-Sophie Lapix, une “grande professionnelle” devenue persona non grata

[…] « Anne-Sophie », la Basque au parcours sage que le monde politique redoute. Elle n’y compte aucun ami, et pas mal d’ennemis. Coriace, précise, parfois assassine, elle divise. Ses questions cinglantes et ses rictus agacent. « Elle arrive par des détails, des attitudes, des mimiques, à se faire détester », lâche un reporter de la chaîne. « Les hommes politiques ont une plus forte résistance que les autres interviewés. Sans vouloir assouvir de passion sadique, c’est agréable d’aller au bout d’un questionnement », théorisait la principale intéressée en 2013, dans un entretien aux Inrocks.

Dans les arcanes du pouvoir, la liste de ceux qu’elle a déstabilisés en interview est longue. Comme l’ancien premier ministre Édouard Philippe, sorti ulcéré le 17 mars 2020 d’un entretien en duplex. Alors qu’il lui répond depuis Matignon sur le confinement, elle le questionne sans relâche sur les retards à l’allumage du dispositif. « Si elle avait été en face de moi, je lui aurais mis ma main dans la figure », tempête-t-il devant témoins, en arrachant son oreillette.

Au cours d’une interview, elle mouche Xavier Bertrand, alors candidat à la primaire des Républicains. « Pour l’instant, vous n’êtes même pas au second tour dans les sondages », balance-t-elle en direct à celui qui s’y voit déjà. La séquence fait le bonheur des réseaux sociaux. […]

Ces dernières semaines, les candidats ont essuyé le tir de ses questions au laser. Des mots mêmes de Marine Le Pen, en petit comité : « C’est un mauvais quart d’heure à passer quand on va chez Lapix. »

Invitée de l’émission Élysée 2022, le 3 mars, Lapix la cuisine sur ses liens avec Vladimir Poutine, et le prêt de 9 millions d’euros contracté par le RN auprès d’une banque russe. « Votre question est infamante, votre hostilité vous aveugle », tance Le Pen. « Ce n’est pas de l’hostilité, je fais mon travail », rétorque Lapix, […] .

Dimanche 10 avril, lors de la soirée électorale du premier tour que coprésente Anne-Sophie Lapix sur France 2, Rachida Dati se lance dans une diatribe contre la gauche. « Vous en voulez à la gauche, mais votre parti est à 4,8 % ! », la stoppe net Lapix.

Un sens de la repartie qui plaît au sein de la chaîne. « Anne-Sophie ne laisse rien au hasard. Elle arrive face aux politiques ultra-armée. Elle adore les chiffres et a toujours les bons. Elle sait où elle va », soutient Muriel Pleynet, rédactrice en chef de l’émission Élysée 2022. […]

[…] Quand en 2017 Delphine Ernotte, présidente de France Télé, lui propose les rênes du 20 heures de France 2, poste le plus prestigieux de la télévision publique, elle fonce.

Le JT, elle connaît : elle a présenté son tout premier à 24 ans, sur TV8 Mont-Blanc, avant d’entrer à Bloomberg TV, chaîne économique. Débauchée par Jean-Claude Dassier, elle devient journaliste à LCI, puis débarque à M6 où elle présente Le 12.50, avant d’être propulsée joker de Claire Chazal au 20 heures de TF1 en 2006. « Cette fille, c’est de l’acier trempé. Elle a parfois la dent dure », glisse en 2017 Dassier dans les colonnes du Parisien.

« Le problème souvent, ce ne sont pas ses questions, mais la manière dont elle les pose. Elle peut être assez expressive, on l’a déjà mise en garde », reconnaît-on à France Télé.

[…]

Au sein de France Télévisions, la greffe a cependant pris du temps. À la rentrée 2017, lorsqu’elle succède à David Pujadas, celui-ci vient d’être sèchement débarqué après seize années de service. D’emblée, Lapix fait plus l’audience, et du Lapix : elle arrive tôt, lit tout, bosse dans son coin, et peu se risquent à mettre le nez dans ses textes. « Elle fait son job, sa porte est toujours ouverte, elle mange à la cantine avec son équipe, mais ne cherche ni à socialiser ni à sympathiser, témoigne un journaliste. C’est sans connexion charnelle avec la rédaction. Pujadas, c’était sa maison, son journal, qu’il incarnait fortement, quitte à être dirigiste. Elle, non. »

Pendant la campagne, les choix éditoriaux du 20 heures n’ont pas fait pas que des heureux. « Elle n’aime pas vraiment la politique et n’a d’yeux que pour l’économie. Elle n’est pas seule à décider de la ligne, mais on doit se battre pour imposer des sujets politiques dans le journal. On a arrêté de faire la chronique des déplacements du président, on fuit l’institutionnel. À un moment, il faudra faire le bilan de notre couverture ! », prévient un reporter.

Les équipes d’Emmanuel Macron, parfois, se fendent d’un coup de fil pour se plaindre. À en croire plusieurs sources à France Télévisions, le candidat goûterait peu la ligne du JT, qu’il jugerait « décliniste » – ce que son entourage dément. Il a refusé de participer à Élysée 2022, le show politique maison où, en cours de saison, elle a été appelée à la rescousse, comme Patrick Cohen, Maryse Burgot ou Hugo Clément… « Elle a accepté de venir et a joué le jeu, là où Laurent Delahousse et Élise Lucet ont refusé. Elle est “corporate” », insiste un fidèle.

Son avenir au sein de France Télé, pourtant, alimente les conversations. Le groupe pourra-t-il maintenir une présentatrice du 20 heures en délicatesse avec l’Élysée, qui que soit son prochain locataire ? « La remplacer serait très mal perçu en termes d’indépendance », pronostique une signature de l’antenne, soulignant que les attaques contre Lapix coïncident avec celles lancées contre l’audiovisuel public – Emmanuel Macron a promis de supprimer la redevance, Marine Le Pen de privatiser le groupe.

Certains pointent un récent tassement des audiences (4,9 millions de téléspectateurs en moyenne depuis septembre, soit un million de moins que TF1, selon Médiamétrie) et assurent que la question de sa succession a été évoquée aux étages supérieurs. « Elle fait un 20 heures dont je suis fière. La question de son départ ne se pose pas. J’ai la chance d’avoir une journaliste indépendante, et personne ne m’imposera quelqu’un. Elle y sera à la rentrée, si elle le souhaite bien sûr, nous n’en avons pas encore discuté. Les critiques ne font que la renforcer », tranche Delphine Ernotte.

[…]


François Rousseaux. Télérama. Source (Extraits)


Une réflexion sur “Portrait d’une opiniâtre…

  1. bernarddominik 25/04/2022 / 8h11

    Excellent article.
    Oui, elle détonne et remet souvent les pendules à l’heure.

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