Est-ce que tout peut recommencer? Est-ce que tout va recommencer?
L’élection de Marine Le Pen risque fort de réveiller des fantômes encore très remuants. Dont ces horribles événements de l’été 1973, totalement oubliés aujourd’hui. La France de M. Pompidou était aussi celle du Service d’action civique (SAC) de ce bon M. Pasqua. Dont les sbires maniaient la mitraillette et fricotaient avec le grand banditisme. Elle était aussi d’un racisme fou, dix ans après la fin de la guerre d’Algérie.
Pour se remettre dans l’ambiance, commençons quelques mois plus tôt. Le 29 novembre 1972, l’Algérien Mohamed Diab est abattu par un brigadier du commissariat de Versailles. Une rafale de pistolet-mitrailleur. Le flic plaide la légitime défense alors que Diab était seul pieds et mains nus face à quatre policiers. Selon les témoins, le tueur a lancé à sa victime : « Je te tue, sale race, je te tue ! » Il y aura un non-lieu. Selon des sources sérieuses, le racisme antiarabe flambe à nouveau en France depuis que l’Algérie a nationalisé son pétrole, en 1971. Tiens donc, un problème énergétique, déjà.
Mais c’est en 1973 que tout dégénère vraiment. Le 12 juin, des immigrés manifestent à Grasse (Alpes-Maritimes) contre les circulaires Marcellin-Fontanet, qui remettent en cause certains de leurs droits. Le maire, Hervé Marie Joseph Court de Fontmichel, les fait chasser à la lance d’incendie par les pompiers. S’ensuit une ratonnade qui dure une partie de la nuit, animée par nos amis CRS, flics et petits commerçants de Grasse. Il y a des blessés, 50 interpellations. Fontmichel déclare au Nouvel Obs : « C’est très pénible, vous savez, d’être envahi par eux. » Le groupe fasciste Ordre nouveau colle massivement sur les murs de Grasse des affiches anti-immigrés.
C’est normal, car ces petites crapules ont lancé leur campagne « Halte à l’immigration sauvage ! » et organisent à Paris, le 21 juin 1973, un meeting raciste. Au cours d’une contre-manifestation très violente, 2 000 jeunes déchaînés tentent de parvenir au palais de la Mutualité, où plastronne l’ancien milicien vichyste François Brigneau, l’un des cofondateurs du Front national. Soixante-dix policiers sont blessés, et la Ligue communiste de Krivine est pour cette raison dissoute.
On ne le sait pas, mais ce n’est qu’un début. Le 25 août, l’Algérien Salah Bougrine, malade mental – il sera déclaré irresponsable -, tue au couteau, à Marseille, un chauffeur de bus. Le lendemain, le rédacteur en chef du Méridional, quotidien lepéniste avant l’heure, crache son venin. Gabriel Domenech, qui deviendra vice-président du Front national de la Région Paca, écrit dans un éditorial : « Nous en avons assez. Assez des voleurs algériens, assez des casseurs algériens, assez des fanfarons algériens, assez des trublions algériens, assez des syphilitiques algériens, assez dès violeurs algériens, assez des proxénètes algériens, assez des fous algériens, assez des tueurs algériens. »
Et ça ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Des immigrés algériens sont assassinés à Marseille et dans la région à partir de fin août. Le soir de l’enterrement d’Émile Gerlache, le chauffeur de bus, un flic abat froidement un gosse algérien de 17 ans, Ladj Lounès. Suivent Rachid Mouka, corps criblé de chevrotines et de balles de gros calibre ; Abdel Wahab Hemahoum, tué à coups de planche sur le Vieux-Port ; Hammou Mebarki, le crâne défoncé ; Saïd Aounallah, abattu près d’un dépôt de bus ; Bensaha Mekernef, crâne fracturé ; Mohammed Ben Brahim, flingué à la carabine ; Mohand Ben Bourek, côtes enfoncées et foie perforé ; Mouzali Rabah, tué par balles ; Saïd Ghilas, tué avec un instrument contondant non retrouvé.
À Toulouse, dans la nuit du 27 août 1973, une cinquantaine de paras organisent une « opération punitive » et ratonnent ceux qu’on appelle alors des Nord-Africains.
Plusieurs blessés, un hospitalisé. À La Ciotat, dans la nuit du 28 au 29 août, un Algérien est abattu.
Le 14 décembre, le groupe Charles-Martel, dont les membres n’ont jamais été retrouvés – toujours vivants, salopards ? -, organise un attentat contre le consulat d’Algérie à Marseille. Quatre morts et 20 blessés. Au total, l’ambassade d’Algérie en France comptabilise une cinquantaine de morts. Les procureurs de l’époque, sur ordre politique, transforment ces crimes racistes en autant de règlements de comptes et de faits divers. Et prononceront des non-lieux, car les enquêtes, ô grand mystère, ont été bâclées par les flics.
Est-ce que tout peut recommencer? Est-ce que tout va recommencer?
Avis à ceux qui veulent savoir : le 5 novembre 2021, cinq policiers de Rouen étaient condamnés à des amendes ridicules (de 150 à 1 000 euros) pour avoir balancé dans leur petit groupe WhatsApp chéri des insultes racistes (1). Extraits : « Fils de pute de singe », ou « C’est véridique que les Blancs font un meilleur travail que les Noirs avec leurs bouches à sucer des bites », et encore : « Sa propre. mère est une pute à bougnoules ». Et ce n’est pas le seul exemple. Mme Le Pen présidente, la chasse est ouverte.
Fabrice Nicolino. Charlie Hebdo20/04/2022
Il est bon de rappeler ces crimes de l’extrême droite.
Mais voter Macron c’est trop dur.
Je voterai blanc ou je resterai chez moi.
C’est pas facile de voter Macron et il faut un certain courage pour le faire. J’ai une pince stérile qui me permettra de saisir le bulletin pour le glisser dans l’enveloppe. Pas question que la raciste passe…………..