édito de Riss

Bien évidemment, une position, des propos qui ne regardent que lui…

Ce n’est pas avant 65 ans que nous serons autorisés à nous reposer avec une pension maigrichonne.

Cette approche purement comptable est un autre exemple de déshumanisation de la société. Un salarié qui prend sa retraite n’est qu’une statistique, car la réalité de sa vie, ses souffrances, ses maladies, sa lassitude, ses déprimes ne peuvent être traduites en chiffres ou en courbes.

La suppression envisagée des régimes spéciaux illustre cette indifférence à l’humain. Qu’il s’agisse des métiers en horaires décalés, ou de ceux où jamais on ne compte les heures, comme dans l’agriculture, il y a des activités professionnelles qui justifieraient pleinement de prendre sa retraite à 55 ans.

À l’inverse, il y a des métiers beaucoup moins éprouvants, qu’on pourrait continuer au-delà de 60, voire de 65 ans. Je me souviens d’avoir rencontré, lors d’un reportage, une universitaire du secteur public qui devait abandonner du jour au lendemain toutes ses recherches parce que le couperet de la retraite allait lui tomber dessus, alors qu’elle travaillait sur des programmes qu’après son départ plus personne ne poursuivrait.

La gauche comme la droite s’arcboutent sur des positions idéologiques qui vont priver des régimes spéciaux ceux qui en auraient grand besoin, et qui empêcheront ceux qui le peuvent de travailler après 60 ans, entes obligeant à rentrer chez eux pour se faire chier jusqu’à la fin de leur vie devant leur ordinateur à regarder des vidéos de petits chats sur YouTube. Même s’il est probable que le nombre de personnes capables de travailler après 60 ou 65 ans est trop faible pour compenser celui des salariés qui mériteraient de partir à 55 ans.

Un homme de 65 ans peut espérer vivre en moyenne encore dix-neuf ans(2). Mais, sur ces dix-neuf années, il ne sera en bonne santé que durant dix ans et sept mois. Ces dix dernières années, l’espérance de vie en bonne santé d’un homme n’a augmenté que d’un an et huit mois, et de deux ans et sept mois pour les femmes (1); et selon l’Insee, plus d’un quart des hommes les plus pauvres sont déjà morts à 62 ans.

Au fond, pourquoi attache-t-on tant d’importance à ces comptes d’apothicaire pour savoir ce que l’on a le droit de vivre ou non ?

Les spécialistes des retraites se penchent sur leur marmite où bouillonnent des chiffres magiques en espérant y lire notre avenir : travaillerons-nous jusqu’à 60 ou 65 ans?

Quelques grenouilles et de la bave de crapaud versées dans la mixture devraient nous éclairer. Notre destinée est suspendue à des prédictions de bonne femme, alors qu’elle devrait dépendre de notre volonté de construire un système dont l’objectif serait de permettre à chacun de partir à la retraite quand bon lui semble, et avec un revenu honorable. C’est l’objectif qui devrait définir l’organisation du système de retraite, et pas l’inverse.

Mais la classe politique s’accroche à des chiffres et à des statistiques pour donner un vernis scientifique incontestable à ses choix, et masquer par là même son incapacité à prendre en compte la dimension humaine du monde du travail. L’humain c’est chiant, les chiffres c’est simple. Les responsables politiques devraient se méfier.

S’ils ne raisonnent qu’avec des statistiques, [ils risquent d’être déconcertés par l’élection présidentielle] qui arrive : le nombre d’abstentions, de votes blancs et nuls, risquent de les surprendre [traduction… « ils »vont récolter ce qu' »ils » ont semé : le désengagement/écœurement du peuple vis-à-vis des « politiques » véreux en places — MC].


Riss du 30/03/2022 – Charlie Hebdo.


2 réflexions sur “édito de Riss

  1. jjbadeigtsorangefr 03/04/2022 / 18h57

    La loi n’a jamais interdit de prolonger son activité professionnelle du secteur public si on le souhaite dans le secteur privé et des dérogations existent dans le secteur public pour le faire.
    L’âge légal est celui à partir duquel on peut percevoir une retraite à taux plein et le porter à 65 ans est un crime.
    La retraite doit être un moment, compris comme une nouvelle vie, où le salarié désormais libre de toute attache, libre de son temps, peut enfin réaliser les choses qu’il n’a pu faire du fait de son travail.
    J’en voie des paquets qui circulent en camping-car qui ont des activités bénévoles, qui font ce qu’ils ONT ENVIE DE FAIRE et ne s’emmerdent nullement.

  2. bernarddominik 03/04/2022 / 19h55

    L’égalité devant la loi ne semble pas préoccuper Riss, mais ça ne préoccupe pas vraiment Macron non plus. Le problème des français c’est que notre république n’a pas réussi à le leur faire comprendre, et que comme les politiques ils rêvent de prébendes, distribuées au bon vouloir des présidents.

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