L’impureté de l’eau publique

Ça flotte dans l’eau du robinet

Ne manquait plus que ça : l’eau du robinet plombée par la guerre en Ukraine ! Pour aider les agriculteurs confrontés à la flambee des prix dans la gamelle du bétail, le gouvernement a annoncé dans son « plan de résilience » qu’on allait, entre autres, augmenter notre production de maïs en utilisant les jachères. Bonne nou­velle pour notre souveraineté alimentaire, mais pas pour la flotte !

Explication : pour désherber les champs de maïs, les agriculteurs utilisent à tire-larigot du S-méto­lachlore, un pesticide fabriqué par Syngenta qui, en se dégradant, libère dans l’eau une cochonnerie que les toxicologues trouvent un brin dangereuse. « ESA metolachlore » est le doux nom de ce métabolite retrouvé dans l’eau potable, qui dépasse dans plus de 92 % de cas la limite autorisée par la directive européenne sur les pesticides. Vu l’ampleur de la contamination, la Direction générale de la santé a saisi du problème l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Dans son courrier à l’Agence, en mai dernier, elle tirait la sonnette d’alarme : « A l’échelle nationale, plus de 4,5 millions de personnes sont alimentées par une eau non conforme vis-à-vis de l’ESA métolachlore. »

Sauf qu’en septembre 2021 l’Anses a conclu qu’il n’y avait pas péril en le robinet. Elle s est contentée de recommander de « suivre l’évolution de la contamination a travers un renforcement des plans de surveillance », tout en réduisant la quantité maximale autorisée dans les champs de maïs à 1 000 grammes de substance active par hectare et par an…

Ouf de soulagement à la FNSEA, le principal syndicat agricole, qui était monté au créneau pour sauver son pesticide, mais consternation à l’association Eau & Rivières de Bretagne, qui bataille pour que l’herbicide soit interdit, comme c’est le cas au Luxembourg depuis 2015.

Pour ne pas avoir à couper l’eau potable quand elle excede la limite de 0,1 microgramme par litre fixée par Bruxelles pour les pesticides et leurs métabolites, les pouvoirs publics ont été inventifs. Si les dépassements de ladite limite restent inférieurs à trente jours par an, rien ne se passe ; au-delà, le distributeur d’eau peut décrocher une dérogation, valable trois ans et renouvelable une fois, le temps de mettre en place un « plan d’action ». La fermeture du robinet n’est décrétée que si la quantité d’ESA métolachlore atteint les 510 microgrammes par litre, soit plus de 5 000 fois la limite européenne ! Vous avez aimé le glyphosate vous allez adorer le S-métolachlore…


Article non signé lu dans le « Canard Enchainé » du 23/03/2022


3 réflexions sur “L’impureté de l’eau publique

  1. jjbadeigtsorangefr 30/03/2022 / 20h46

    J’empoisonne mais c’est pas grave, pour peu la machine à faire du fric fonctionne bien.

  2. Pat 31/03/2022 / 19h29

    Non, pas grave !
    Nous avons un système de santé solide et généreux pour soigner les cancers et autres maladies dégénératives et nous accompagner dans la mort douce…

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