L’ENA, école du vice ?

Un haut fonctionnaire de l’Intérieur et un autre de Bercy apparaissent dans une enquête judiciaire ouverte le 5 février.

Deux anciens élèves de cette fabrique de hauts fonction-supprimée par Macron en avril dernier, sont visés par une information judiciaire ouverte le 5février 2022 pour trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs. Ils ne sont pas mis en examen et sont présumés innocents. La justice les soupçonne pourtant d’avoir participé à un réseau de blanchiment en lien avec ce trafic …

Eric Moniot, administrateur civil au ministère de l’Economie, à été, dix ans durant (2008-2018), l’un des dirigeants de la chaîne parlementaire de l’Assemblée nationale (LCP-AN).

Jean Mafârt, lui occupe la fonction de directeur des affaires européennes et internationales à l’Intérieur, après avoir travaillé à la DGSE et à la DGSI.

Leur histoire rocambolesque est  détaillée dans une note de Tracfin, le service de renseignement financier, que « Le Canard » a consultée. A en croire les flux de leurs nombreux comptes en banque, ces deux serviteurs de l’Etat ont un « train de vie dispendieux » ne pouvant être assuré par leurs seuls revenus, pourtant très confortables.

Ça va bien se pacser…

Moniot s’offre de nombreuses oeuvres d’art et se montre très généreux envers un grand nombre d’obligés. Mafart, lui, claque en moyenne 26 000 euros par mois, ses comptes étant alimentés par de sympathiques donateurs venus de Suisse et d’ailleurs. Tous deux sont étroitement liés à un certain Oussama Oualid, mis en examen le 5 février. Ils sont soupçonnés d’avoir participé au blanchiment des revenus de ce businessman trentenaire.

Pour avoir transporté, acheté et vendu de la cocaïne et d’autres friandises de synthèse (méthamphétamine et kétamine) dans «des quantités trop importantes pour correspondre à sa consommation personnelle », Oualid se trouve au­jourd’hui en détention provisoire. Inscrit au fichier des personnes recherchées, il a été pacsé de 2015 à 2019 avec l’actuel patron des relations internationales de la Place Beauvau, au nez et à la barbe des services français

En sus de ses activités dopantes, Oualid a créé plusieurs sociétés dans l’import-export, le bâtiment et l’informatique. Quel esprit d’entreprise ! Au sein d’OML Systèmes, fondé en fé­vrier 2016, le jeune homme est à la fois président et seul salarié. Comme lui, son compagnon, Jean Mafart, détient 30 % du capital social. Le 26 juillet 2017, la petite boîte décroche un improbable « contrat de prestations » avec la chaîne LCP-AN, représentée par Eric Moniot… qui a reconnu devant les flics une liaison avec Oualid. L’heureux prestataire s’engage notamment à rénover le site Internet de la chaîne — et tant pis si ses compétences en la matière sont nulles.

Dépenser sans conter

Au contrat initial (37 000 euros hors taxes) s’ajoutent un suivi de maintenance et des prestations complémentaires. Finalement, LCP-AN (dont les locaux ont été perquisitionnés en octobre 2021) a dépensé plus de 92 000 euros, bien au-delà du seuil (25 000 euros) nécessitant un appel d’offres public. Même entre bons amis ?

Assurément, Eric Moniot en est un : il est également devenu actionnaire à 20 % d’OML Electricité et à 25 % de Tun-Eden Distribution, deux boîtes contrôlées par Oualid.

Remercié en 2018 par La Chaîne parlementaire, avec un joli chèque de 170 000 euros, Moniot a offert ce pognon, plus le montant d’une assurance-vie et d’un prêt bancaire, à son coactionnaire, qui l’a claqué dans des oeuvres d’art en Tunisie.

Comme ses deux amis, le jeune entrepreneur avait, selon Tracfin, un « train de vie dispendieux », multipliant achats et voyages, et dépensant près de 6 800 euros par mois avec sa seule carte bancaire. Mais il avait des mécènes : une société de droit canadien, un quidam en Tunisie, un autre en Turquie, plus ses deux amis énarques.

Parmi les nombreux échanges documentés par les flics, on note trois rencontres de Oualid avec Mafart à Paris, au 11 rue des Saussaies… l’une des adresses du ministère de l’Intérieur. Darmanin avait pourtant bien promis de démanteler les points de deal…

Même à Beauvau ?


Didier Hassoux et Christophe Labbe – Le Canard Enchainé – 23/02/2022


4 réflexions sur “L’ENA, école du vice ?

  1. bernarddominik 28/02/2022 / 9h37

    Une précision Macron n’a pas supprimé l’ENA, mais changé son nom, les privilèges associés à celui-ci ont été maintenus.
    Qu’il y ait des escrocs à l’ENA et qu’ils profitent de leurs pouvoirs dans l’administration rien de neuf sous le soleil.
    Mais, une affaire très révélatrice de ce que permet leur statut

    • Libres jugements 28/02/2022 / 10h08

      C’est vrai Bernard qu’à première vue ça a l’air d’avoir changé uniquement de nom.
      Pourtant, il y aurait eu des remplacements d’enseignants et des directives auraient été données pour en changer la mentalité… oui on peut toujours en rire !

      Ce qu’il faut noter c’est que dès qu’il y a concentration de personnes, se créer une minisociété avec : ses prosélytes, ses arrivistes, ses suiveurs, ses truands, ses… en réalité que ce soit dans des partis politiques, des associations, dans les écoles/facs et constitue un ensemble miroir, véritable melting-pot de la nation.

      Cordialement,
      Michel

  2. Danielle ROLLAT 28/02/2022 / 9h51

    LIBERTE EGALITE FRATERNITE POUR TOUS ?
    Mon œil !!

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