À mort EDF, vive LVMH et L’Oréal!

Face à la hausse du prix de l’énergie, Emmanuel Macron a eu une réaction inédite…

… piller EDF. L’entreprise, de statut privé, mais détenue à 84 % par l’État, a été forcée d’acheter de l’électricité sur le marché européen (qui est par ailleurs une débilité sans nom) au prix actuel, hyper élevé, de phénoménales quantités de jus, pour ensuite les revendre, à perte donc, à ses concurrents inutiles aux noms idiots, et qui arnaquent nos « aînés ». Cela coûte 8 milliards à EDF, la moitié de ses profits annuels. Mais offre un gain politique majeur au président : éviter la hausse du prix de l’électricité, qui, sinon, aurait été de l’ordre de 40 %.

Pour mesurer l’ampleur du geste présidentiel, je vous propose de prendre connaissance de la réaction de Jean Peyrelevade, 82 ans, figure de l’économie mixte à la française, passé par le cabinet de Pierre Mauroy et ancien patron de Suez et du Crédit lyonnais, excusez du peu. Pour Jean, Bruno et Manu se sont livrés à «une manipulation inacceptable (1)». Et d’énoncer trois vérités dérangeantes.

Un : en pompant EDF plutôt qu’en versant directement des aides publiques, l’État soustrait les fameux 8 milliards de ses dépenses publiques. Ce qui n’est rien d’autre qu’une manipulation comptable qui a pour résultat que la «sincé­rité des comptes publics », principe fondamental du droit, n’est pas respectée.

Deux : par sa décision, le gouvernement a entraîné une forte chute du cours d’EDF, allant à l’encontre de ses propres intérêts en tant qu’actionnaire de l’entreprise.

Trois : les autres actionnaires, lésés par la décision de Bruno Le Maire, «par un gouvernement et un ministre qui affichent volontiers leur amour des entreprises et des investisseurs », remarque le coquinou Peyrelevade, pourraient porter plainte et demander réparation.

Bref, dans Les Échos, journal possédé par le milliardaire Bernard Arnault, également propriétaire de Radio Classique et du Parisien, on peut donc lire un ardent défenseur du capitalisme nous expliquer que l’État, loin d’être legarant de l’intérêt général, est un instrument utilisé par les dirigeants pour maintenir leur pouvoir. Et on pourrait ajouter : dorloter la classe sociale qui le soutient. Car tandis que les étudiants s’alimentaient à la soupe populaire, Bernard Arnault (LVMH), Françoise Bettencourt-Meyers (L’Oréal), François-Henri Pinault (Kering) et les frères Alain et Gérard Wertheimer (Chanel) voyaient, au cours de l’année 2021, leur fortune augmenter de 173 milliards d’euros. Un bond sans pré­cédent et, en réalité, impossible à appréhender tellement ces sommes sont folles pour votre cerveau, comme pour le mien (2).

Ces jours-ci, tant Total que BNP Paribas ou la Société générale ont annoncé des profits exceptionnels pour 2021 : respectivement 16 milliards d’euros, 9 milliards et 5 milliards. L’explosion des profits ne concerne pas que les ogres du CAC 40. Au niveau de l’ensemble de l’économie, les entreprises affichent un taux de marge – en gros, des profits – sans précé­dent depuis soixante-dix ans (3). De plus en plus d’économistes estiment que les aides d’État ont été trop généreuses, à l’image des restaurants qui ont gagné de la maille comme pas possible, alors qu’ils n’avaient jamais aussi peu travaillé. Et ne parlons pas des labos d’analyses médicales et autres pharmacies.

Bref, une taxation exceptionnelle sur les surprofits serait logique. Mais Manu et Bruno ont envie de continuer à être invi­tés à dîner par Bernard, Françoise et François-Henri. Qui peut leur en vouloir?


Jacques Littauer. Charlie Hebdo. 23/02/2022


  1. « EDF : une manipulation inacceptable», de Jean Peyrelevade (Les Échos, 9 février 2022).
  2. « Covid-19 : comment les grandes fortunes françaises se sont enrichies pendant la pandémie» (francetvinfofr, 29 janvier 2022).
  3. « Le taux de marge des entreprises au plus haut depuis soixante-dix ans» (Libération, 2 décembre 2021).

3 réflexions sur “À mort EDF, vive LVMH et L’Oréal!

  1. bernarddominik 27/02/2022 / 13:24

    On est gouvernés par des bandits il faudra les juger pour leurs actions et tant pis pour l’immunité présidentielle, cette constitution n’a pas plus de valeur que le statut de Louis XVI en 1793.

  2. Danielle ROLLAT 27/02/2022 / 17:31

    Quand on aime on ne compte pas…

  3. jjbadeigtsorangefr 27/02/2022 / 23:25

    Le Monopoly grandeur nature sans passer par la case prison. Une merveille que cette société pour ces pirates qui font des fortunes immenses et des pauvres de plus en plus nombreux.

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