… un rapport « coup de poing » !
Dans le moindre communiqué de presse, la Préfecture de police de Paris a mis en ligne, le 19 janvier 2022, un document de 24 pages consacré à la prise en charge, par les policiers et les gendarmes, des femmes victimes de violences « dans trois commissariats de Paris et de la petite couronne ». Plutôt retentissant, ce rapport roupillait tranquillement au fond d’un tiroir de la Préfecture depuis… mai 2019 !
S’il a finalement été divulgué, c’est suite à nombreuses relances d’associations féministes puis, en novembre dernier, de celles de Raphaëlle Rémy-Leleu, conseillère EELV de Paris, et de Céline Malaisé, conseillère régionale Front de gauche. Quand le mensuel « Causette » (11/1) a révélé les refus, plutôt secs, qu’elles avaient essuyés, la Préfecture a fini par sortir du bois.
Pas question pour autant, indique cette dernière au « Canard », de publier le rapport entier, car il contient « des éléments de procédure ». Ou de révéler de quels commissariats il s’agit. Tant pis, les voici : Paris XVIᵉ, Clichy (Hauts-de-Seine) et Montreuil (Seine-Saint-Denis).
L’audit est commandé en septembre 2018 par le cabinet de l’ex-préfet de police Michel Delpuech au Centre Hubertine Auclert. Associée à la région Ile-de-France, cette plateforme comprend notamment un observatoire régional des violences faites aux femmes.
Mais, un an plus tard, lorsque l’enquête s’achève, le nouveau préfet de police, Didier Lallement n’a aucune envie de braquer les projecteurs sur les failles de la maison poulaga dans ce dossier ultrasensible. A la lecture de cette synthèse, pourtant expurgée, on comprend son accès de pudeur…
Mains (trop) courantes
Les auditrices, qui ont analysé des dizaines de plaintes et de mains courantes, et rencontré l’ensemble des acteurs, pointent, à toutes les étapes, « un manque de confidentialité (…) et un défaut d’évaluation du danger », le tout agrémenté d’une «posture professionnelle souvent inadaptée ». Quant aux brutalités conjugales, elles ne sont souvent consignées qu’en cas de « violences physiques graves ». Chef, un coquard, ça compte pour du beurre (noir) ?
Résultat de ce joyeux constat : « Dans 80 % des plaintes pour violences physiques, aucune question n’est posée [aux victimes] sur les violences sexuelles. » Les interventions à domicile, dont plus de 60 % concernent des agressions conjugales, révèlent, elles aussi, de sacrées failles : après analyse de 116 comptes rendus, les auteures constatent que, « dans un cas sur trois, le mis en cause reste au domicile, sans garantie de sécurité de la victime ».
La Préfecture assure que « ce diagnostic n’est pas révélateur de la situation actuelle (…), mais [qu’il établit] un état des lieux préalable au travail de fond réalisé depuis. » Las ! le commissariat de Montreuil fait de nouveau l’objet de plaintes déposées par six victimes : le 24 novembre, elles ont saisi la défenseure des droits, l’Inspection générale de la police, le procureur et le préfet de Seine-Saint-Denis pour dénoncer les conditions de leur accueil.
Malgré le « travail de fond réalisé depuis » ?
J. C.- Le Canard Enchainé. 09/02/2022
Merci à Raphaëlle et à Céline pour leur ténacité et leur courage politique !
Honteux le préfet Lallement s’est déjà distingué par sa violence, il devrait être viré.