Non content de torturer l’histoire, le polémiste s’égare en géopolitique.
Et pas seulement parce qu’il rebaptise « Kirak » le Hirak, insurrection civique algérienne, ou se montre incapable de prononcer le nom du défunt président rwandais Habyarimana. Mais surtout parce qu’il truffe ses propos et ses écrits d’erreurs factuelles et de raccourcis hasardeux. Florilège ou bêtisier.
Sahel. Dans son essai « La France n’a pas dit son dernier mot », « Z » évoque « l’expédition Serval, puis Barkhane [ennemie, au Mali, des] djihadistes de Daech qui fondaient sur ce pays immense en 2013 ». Champion ! Cette année-là, pas l’ombre d’un combattant de l’Etat islamique dans l’espace malien, où sévit une alliance bancale d’irrédentistes touaregs et d’adeptes locaux d’Al-Qaida.
Le 23 janvier, dans « C dans l’air » (France 5), le colonel Zemmour élabore la stratégie française, une fois nos troupes parties du Mali . A l’en croire, il suffirait de frapper l’ennemi à partir de la Côte d’Ivoire ou du Tchad. Sauf que la plupart des militaires sur place en conviennent : enfiler les raids aériens — menés au passage avec le concours logistique de l’US Army — n’avance à rien. La pénétration du tissu social sahélien par les islamistes impose de miser aussi sur la proximité et le renseignement humain. Bien la peine d’avoir pour directeur de campagne le quatre-étoiles Bertrand de la Chesnais, ex-major général de l’armée de terre…
Sénégal. Le 9 mars 2021 sur CNews, le polémiste affirme entre autres à peu près qu’Emmanuel Macron « aurait songé à envoyer la marine française » au large de Dakar, théâtre d’émeutes hostiles au président Macky Sall. Faux et au demeurant inutile : Paris dispose sur place d’un contingent de 400 hommes dont l’une des missions est d’assurer la sécurité de leurs compatriotes.
Libye. Dans « La France n’a pas dit… », notre géopoliticien d’opérette assène que Kadhafi « nous servait de verrou indispensable contre l’invasion migratoire venue d’Afrique noire et du Maghreb ». Mauvaise pioche, là encore.
La Libye n’est pas souvent sur la route des candidats maghrébins à l’exil. Quant à l’hypothétique « invasion », elle viendrait, en grande partie, de l’aire subsaharienne, la Libye n’étant qu’une étape sur la route de l’eldorado européen.
Rwanda. Le 27 mai 2021, Zemmour dénonce sur CNews « ceux qui font porter à la France des responsabilités et des culpabilités qui ne sont pas les siennes ». Allusion au génocide de 1994 et à l’aveuglement de la Mitterrandie. « La France responsable de quoi ? poursuit-il. On se demande. » Pas trop, en fait, quand on a parcouru le rapport Duclert (mars 2021), œuvre circonstanciée d’une commission d’historiens.
Esclavage. Toujours dans « La France n’a pas dit… » : « Ce sont des Africains noirs qui ont fait la chasse à d’autres Africains noirs pour les asservir. » Certains ont effectivement collaboré à la traite. Mais est-ce que ce sont eux qui ont embarqué plus de 12 millions d’êtres humains à bord de leurs pirogues pour les déposer sur les côtes américaines ?
Afghanistan. Sur BFM le 12 janvier dernier : « Les femmes afghanes ne sont pas des combattantes de la liberté, pour moi. Donc, je ne les accepte pas. Elles restent chez elles. » C’est vrai que, en résistant aux barbus dans ce pays si libéral, elles veulent encore jouer les victimes !
L. C. – Le Canard Enchainé – 09/02/2022