Mettre au pied du mur

Expression

Dans l’ancienne guerre, la prise des villes et des châteaux fortifiés constituait, mieux que les batailles en rase campagne, le terrain de prédilection des démonstrations d’adresse et de bravoure.

La réputation de plus d’un capitaine des Grandes Compagnies du XVᵉ siècle s’est faite sur leur habileté à s’emparer des places fortes et à les tenir à rançon, parfois à l’aide d’une poignée d’hommes judicieusement entraînés à grimper aux murailles et à étouffer le guet.

Toujours est-il que l’assaut d’une fortification a été le siège d’exploits personnels longuement commentés. Or le récit des exploits, surtout quand ce sont les siens que l’on raconte, ne va jamais sans quelque hâblerie.

Le meilleur moyen de vérifier les dires d’un soudard en taverne sur son habileté à escalader les murailles est encore de le mettre au pied du mur… de l’enceinte, et de voir comment il grimpe!

C’est là l’origine probable de la locution, plutôt que l’interprétation qu’en donne M. Rat, lequel la rapporte à l’escrime « où celui qui a poussé son adversaire jusqu’au pied du mur lui a ôté tout moyen de reculer, en sorte qu’il se voit obligé de riposter ou de demander merci ».

Cette situation correspond en fait à une autre tournure : être le dos au mur

J’appuie mon hypothèse sur ces vers de Collerye qui, au début du XVIᵉ siècle, emploie déjà l’expression au sens figuré :

Au pied du mur je me voy sans eschelle,
Plus je ne scay de quel bois faire fleches,
Faulte d’Argent m’en donne les empeches,
Triste j’en suis…

Il me semble par ailleurs que le proverbe, relativement récent : « C’est au pied du mur que l’on voit le maçon », en est une forme « détournée » par plaisanterie de métier, avec un jeu de mots sur le « pied mesure »: c’est à la rapidité avec laquelle il construit un pied de mur solide et bien aligné que l’on juge de la valeur d’un maçon.


Claude Duneton « La puce à l’oreille »