Lorsque « totor » est d’actualité

Grâce à un plébiscite, en novembre 1852, le titre d’empereur que l’on ne pouvait plus accorder depuis 1815, peut être à nouveau donné : Louis-Napoléon, le « prince-président », devient Napoléon III.


I
 
NAPOLÉON III
 
Donc c’est fait. Dût rugir de honte le canon,
Te voilà, nain immonde, accroupi sur ce nom!
Cette gloire est ton trou, ta bauge, ta demeure!
Toi qui n’a jamais pris la fortune qu’à l’heure,
Te voilà presque assis sur ce hautain sommet!
Sur le chapeau d’Essling tu plantes ton plumet;
Tu mets, petit Poucet, ces bottes de sept lieues;
 
Tu fais travailler l’oncle, et, perroquet ravi,
Grimper à ton perchoir l’aigle de Mondovi !
Thersite est le neveu d’Achille Péliade!
C’est pour toi qu’on a fait toute cette Iliade!
C’est pour toi qu’on livra ces combats inouïs!
C’est pour toi que Murat, aux Russes éblouis,
Terrible, apparaissait, cravachant leur armée!
C’est pour toi qu’à travers la flamme et la fumée
Les grenadiers pensifs s’avançaient à pas lents!
C’est pour toi que mon père et mes oncles vaillants
Ont répandu leur sang dans ces guerres épiques!
Pour toi qu’ont fourmillé les sabres et les piques,
Que tout le continent trembla sous Attila,
Et que Londres frémit, et que Moscou brûla!
C’est pour toi, pour tes Deutz et pour tes [Mascarilles ,
Pour que tu puisses boire avec de belles filles,  
Et, la nuit, t’attabler dans le Louvre à l’écart,
C’est pour monsieur Fialin ! et pour monsieur Mocquart,
Que Lannes d’un boulet eut la cuisse coupée,
Que le front des soldats entr’ouvert par l’épée,
Saigna sous le schako, le casque et le colback,
Que Lassalle à Wagram, Duroc à Reichenbach,
Expirèrent frappés au milieu de leur route,
Que Caulaincourt tomba dans la grande redoute,
Et que la vieille garde est morte à Waterloo !
C’est pour toi qu’agitant le pin et le bouleau,
Le vent fait aujourd’hui, sous ses âpres haleines,
Blanchir tant d’ossements, hélas ! dans tant de plaines!  
Faquin ! — Tu t’es soudé, chargé d’un vil butin,
Toi, l’homme du hasard, à l’homme du destin!
Tu fourres, impudent, ton front dans ses couronnes!
Nous entendons claquer dans tes mains fanfaronnes
Ce fouet prodigieux qui conduisait les rois;
Et tranquille, attelant à ton numéro trois
Austerlitz, Marengo, Rivoli, Saint-Jean-d’Acre,
Aux chevaux du soleil, tu fais traîner ton fiacre.


Victor Hugo — Jersey, décembre 1852. Les Châtiments, VI, La stabilité est assurée.




Une réflexion sur “Lorsque « totor » est d’actualité

  1. jjbadeigtsorangefr 15/02/2022 / 10:00

    Victor Hugo traitait le troisième de Napoléon le petit. Erreur, c’était le grand homme de la bourgeoisie que l’on encourageait d’un « enrichissez vous » tonitruant.
    Ce qu’elle fit en asservissant une classe ouvrière qui se révolta contre ses abandons nationaux avec la commune de Paris.

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