L’Arbre, la pomme et le consommateur !

Un pommier sur ses affiches de campagne et des camions de pommes à tous ses meetings lors de la présidentielle de 1995 : Jacques Chirac l’avait bien compris, la France est un pays de croqueurs de pommes.

Avec 17 kilos consommes par an et par foyer en moyenne, c’est le fruit préféré des Français. Sauf que les grosses coopératives de pomiculture se gardent bien de déclarer que leur production s’est standardisée et industrialisée au fil du temps.

La Bérézina a commencé dans les années 60, quand la grande distribution a exigé de garnir ses étals toute l’année avec des pommes tape-à-l’œil, parfaitement calibrées et bien fermes pour encaisser les multiples transports et manutentions. Et, surtout, à longue conservation.

Résultat, l’essentiel de ce que nous avalons est constitué de vieilles pommes, pour certaines âgées de plus d’un an.

Une prouesse rendue possible par la sélection génétique et par un séjour en atmosphère contrôlée. Exit, donc, les 400 espèces anciennes cultivées en France.

Deux variétés taillées sur mesure pour les grandes surfaces, la Golden et la Gala, totalisent à elles seules la moitié des 1,3 million de tonnes de pommes mises dans les paniers lors de la dernière récolte. Et ce n’est pas en se raccrochant à la branche d’une appellation d’origine contrôlée que l’on va forcément croquer une pomme de terroir.

Le mois dernier, la revue « Que choisir » (janvier) a épluché menu la Golden du Limousin, la seule qui peut se targuer d’une AOP.

Alors que dans les pommeraies du Limousin poussaient une dizaine de variétés locales, comme la Sainte Germaine, le Museau de lièvre ou la Chatoune, l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) n’a accordé l’AOP qu’à la Golden Delicious.

Prime à la productivité au détriment du goût ?

Le comble est que les pommes locales évincées de l’AOP ne peuvent plus, elles, être revendiquées comme étant du Limousin !

Deux grosses coopératives se partagent les 80 000 tonnes annuelles vendues sous AOP.

Une production qui, comme dans tous les vergers industriels, est abondamment traitée. Comptez 35 traitements phytosanitaires en moyenne :

Fongicides, insecticides, herbicides, mais aussi des régulateurs de charge », des molécules qui permettent de contrôler en amont la quantité de fruits et leur calibrage, et de caler le démarrage de la cueillette.

Avec, à la clé, une récolte ultra-standardisée.

Roule, ma pomme !


Article non signé – Le Canard Enchainé- 09/02/2022


5 réflexions sur “L’Arbre, la pomme et le consommateur !

  1. jjbadeigtsorangefr 15/02/2022 / 09:53

    Croquer la pomme, un sport dont on cherche à nous priver……………….

  2. Danielle ROLLAT 15/02/2022 / 14:25

    Et manger une pomme de chez nous après un bon steak frites, un morceau de fromage et un peu de vin rouge.. c’est bien Français…

    • jjbadeigtsorangefr 15/02/2022 / 16:47

      ça me convient parfaitement moi qui suit marxiste tendance Epicure et qui me retrouve parfaitement dans les objectifs de Fabien Roussel.

  3. luc nemeth 15/02/2022 / 16:42

    Natif du Limousin je suis sensible au problème mais il concerne tout le territoire et avec entre autres un effet pervers en ce qui concerne la diminution drastique du nombre des variétés (conséquence de la standardisation) : elle implique que si une pandémie devait s’abattre sur une seule variété alors c’est en proportion une beaucoup plus grande partie du troupeau-de-pommes qui disparaîtrait

  4. Danielle ROLLAT 15/02/2022 / 17:51

    je me souviens des reinettes, des canadas, des court-pendues de ma grand’mère..

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