[…] Parce qu’à huit semaines de la présidentielle, la démocratie a toujours autant de mal à respirer ; et jamais le rapport des Français avec elle n’a semblé aussi nébuleux.
Fin décembre, l’institut de sondages Harris Interactive nous apprenait :
- 83 % d’entre eux étaient « attachés au régime démocratique ».
- 46 % (presque un sur deux) voyaient en ce dernier « un régime qui ne fonctionne pas bien ». Un Français sur quatre serait même d’avis que « pour faire face à une crise sanitaire, un régime autoritaire serait plus efficace… »,
- 61 % des sondés de penser que notre système politique est en danger.
La démocratie, ça vous dit ou pas ? Posez la question à la cantonade, tout le monde répond oui. Mais demandez qui est convaincu par notre démocratie hexagonale, celle dans laquelle nous baignons, débattons et votons… et l’enthousiasme s’effondre. Parce qu’il y a loin, de la démocratie rêvée à la démocratie vécue. Que chaque jour offre un nouvel exemple du grand écart, entre l’angélisme des ravis de la crèche républicaine et la déception flagrante des électeurs vis-à-vis de leurs élus et leurs institutions. Et que le hiatus devient embarrassant entre les autosatisfecits de l’immaculée « patrie des droits de l’homme » et son rang dans le classement mondial des démocraties : 24e !, selon le magazine britannique The Economist.
La France a mal à sa démocratie. Qu’elle ne soit pas le seul pays à douter, comme le montre la prolifération des « démocraties illibérales » (1), est une maigre consolation. […]
Nous avons manqué de vigilance, dirait-on. Certes, moins que les Étatsuniens avec Donald Trump, ou que les Hongrois et Polonais au moment d’élire Viktor Orban et Jaroslaw Kaczynski, mais quelque chose s’est cassé. Les Français sont politiquement déprimés et cette lassitude ne date pas d’hier […] Invoquer la description moqueuse d’une France toujours insatisfaite, comme le fit au XIXe siècle le pamphlétaire Henri Rochefort – une France forte de « trente-six millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement » –, ne va pas suffire.
D’abord, les politiques ont laissé le système dériver vers autre chose que la démocratie, vers… une morale, regrette la philosophe Chantal Delsol : « Nous avons abîmé cette démocratie en remplaçant le droit, qui devrait nous obliger, par une morale qui pose le bien et le mal comme seuls juges de toutes les décisions qui doivent être prises, y compris les décisions politiques. […]
Méchants antivax que le Président « emmerde » – ce qui n’est pas une politique – dressant ainsi une partie des Français contre une autre. Coupables, forcément coupables habitants des « quartiers », contre lesquels Valérie Pécresse entend ressortir le fameux « kärcher » de Nicolas Sarkozy. Quant aux militants « woke » les plus énervés, ne confondent-ils pas combat d’idées et posture morale, quand ils distribuent blâmes et mérites aux grandes figures de l’Histoire, en rejugeant cette dernière sur des critères d’aujourd’hui ?
Cette cérémonie de distribution des prix cache très mal, en fait, l’incapacité du système à traiter la principale raison du burn-out politique des Français : leur rapport malheureux avec la mondialisation : « Le capitalisme coexiste de plus en plus difficilement avec les nations démocratiques, constate David Djaïz. Le choc a d’abord été sourd. Il se fait aujourd’hui frontal, spectaculaire ». […]
On se doute bien, pour paraphraser le Général de Gaulle, que sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « la démocratie ! La démocratie ! », ne suffira pas pour la rendre de nouveau attrayante. Il faudra faire beaucoup plus, et vite… […]
Et si l’on cessait d’accabler les citoyens qui n’y croient plus, les jeunes qui ne votent plus, les intellos qui critiquent ? Si l’on exigeait d’abord des responsables politiques qu’ils rénovent un système à bout de souffle. […]
Les bonnes idées abondent, nourries par les sciences politiques, grosses de réformes simples, rapides et efficaces pour améliorer la participation des citoyens aux processus de décisions, mais puisant aussi ailleurs, car le salut de la démocratie passera par une approche multidisciplinaire de la situation.
De l’indispensable changement de mode de scrutin […] à la multiplication des « Conventions citoyennes », des expériences pour construire localement une économie circulaire à l’élaboration d’une véritable politique des territoires, de la lutte contre les inégalités au combat pour une réforme des institutions (celles qui permettront aux moins bien nantis d’être mieux représentés), les pistes sont innombrables, mais le plus souvent locales et dispersées.
Seule une impulsion nationale apportera un grand bol d’air à cette démocratie au ralenti. Il y a urgence, car elle est contestée jusque dans sa légitimité […]
1 Àmi-chemin entre la dictature et la démocratie, les « démocraties illibérales » – comme la Hongrie, la Russie, le Venezuela – conjuguent généralement le libéralisme politique (droit de vote et élections régulières) avec l’absence ou la restriction des libertés civiles (médias contrôlés, opposition limitée, etc.)
Olivier Pascal-Moussellard. Télérama. Titre original : « une démocratie tellement fatiguée ». Source (Très courts extraits)
La démocratie, c’est comme le rire, ou le sens de l’humour, chacun en a sa propre définition. Je ne suis pas sûre que nous en ayons la même, mais je suis sûre que nous sommes tous deux attachés à la démocratie, amitiés
Est on encore en démocratie quand présidents et ministres sont choisis dans la même oligarchie: les énarques? Quand le conseil constitutionnel chargé de vérifier la constitutionnalité des actes du gouvernement est choisi par ceux là mêmes qu’il est sensé censurer ?
Henri Rochefort à aussi écrit ce petit quatrain ironique:
Bon français peuple de braves
Soyez heureux d’être esclaves
Il y a t il des destins plus beaux
Que de payer des impôt
Ce beau mot tire son origine de la Grèce : Demos = peuple, cratos = pouvoir…
Quand le pouvoir est entre les mains d’une minorité, ce qui est le cas actuellement en France surtout avec l’état d’urgence sanitaire qui n’en finit plus…on ne peut plus parler de démocratie véritablement mais il en reste des bribes au sein de nos institutions que quelques remparts coutumiers, par bonheur, permettent de défendre avec difficultés. Parce que les Français pensent leur liberté, leurs droits fondamentaux assurés pour l’éternité.