L’intitulé de la lettre adressée le 21 janvier 2022 à Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice…
… est sans équivoque : « Signalement de faits de nature à entraîner des poursuites contre un magistrat du parquet. »
Les accusations portées par cet avocat au barreau de Paris ne sont pas précisément des broutilles : il accuse la proc de Versailles d’avoir couvert des violences policières et fait condamner à tort le témoin principal en le piégeant !
Et Me Yassine Bouzrou de demander à Dupond l’ouverture d’une enquête administrative ou la saisine du Conseil supérieur de la magistrature.
Dilemme cornélien pour le garde des Sceaux ! Car, s’il semble difficile d’enterrer l’affaire, une procédure disciplinaire à l’encontre de l’une des plus puissantes parquetières de France risque d’aggraver ses relations déjà électriques avec les magistrats…
Retour sur une bavure hors norme.
Le 7 novembre dernier, cinq flics du commissariat du Chesnay (Yvelines) débarquent au domicile de Maria, femme de ménage vivant seule avec son fils ado. Ils viennent, lui disent-ils, récupérer une mineure en fugue — en l’occurrence, la petite amie du fiston, âgée, comme lui, de 15 ans.
L’escouade fonce dans la chambre, où le gamin est jeté sur son lit et menotté. D’un coup de coude, l’un des policiers lui casse le nez. José, qui n’a jamais eu affaire à la police, est traîné manu militari au poste. Malgré son état de panique, la mère filme l’intégralité de la scène avec son téléphone.
Lorsqu’elle récupère son fils à sa sortie de garde à vue, Maria. prévient les poulets du commissariat qu’elle va contacter la police des polices et leur remettre la vidéo de l’intervention.
Elle obtient un rendez-vous pour le 18 novembre à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Mais, le 17, surprise ! les flics du Chesnay la convoquent et la placent en garde à vue pendant quarante-huit heures pour violences volontaires à l’encontre des cinq policiers qui avaient embarqué son fils.
Dans la foulée, Maria, dont le casier judiciaire est vierge, est présentée au parquet de Versailles, où un délégué du proc lui fait signer un procès-verbal précisant qu’elle reconnaît les faits qui lui sont reprochés.
Cette condamnation sans procédure de recours lui vaut une amende de 200 euros, plus 2 800 euros de dédommagements aux policiers… Selon Me Bouzrou, il s’agit d’une signature extorquée : d’origine sud-américaine, sa cliente comprend mal le français ; elle est, en tout cas, incapable de le lire et n’a eu droit ni à un avocat ni à un interprète !
Quant au fiston, il doit désormais comparaître devant un juge des enfants pour violences, outrage et rébellion…
Insolite, car la vidéo de l’intervention, que « Le Canard » a pu visionner, ne montre à aucun moment la mère de famille ou son fils faisant preuve de brutalité à l’égard des poulets. En revanche, comme le montrent les images, ces derniers ne se sont pas privés de cogner l’ado.
Maria et José ont déposé une plainte avec constitution de partie civile pour violences volontaires aggravées contre les flics, et pour faux en écritures publiques aggravé et escroquerie au jugement contre la procureure de Versailles, cheffe de l’enquête, dont les services, estiment les plaignants, ont couvert une bavure policière.
Dans sa saisine du garde des Sceaux, l’avocat rappelle que ce n’est pas le seul dossier dans lequel ladite proc est accusée d’avoir blanchi des policiers.
En avril dernier, déjà, elle avait classé sans suite la plainte des parents d’une petite fille de 5 ans grièvement blessée à la tête par un tir de LBD lors d’une descente dans une cité.
Motif ?
L’auteur n’avait pu être identifié. La magistrate avait préalablement refusé à l’IGPN l’autorisation d’exploiter l’empreinte ADN retrouvée sur le projectile.
Il aura donc fallu que la famille porte plainte avec constitution de partie civile pour que l’enquête soit relancée et que l’on découvre que les policiers avaient menti à l’IGPN.
C’était bien eux qui avaient tiré — depuis leur voiture en marche, qui plus est. Mais peut-être la petite fille les avait-elle lâchement frappés ?
Article signé des initiales C. L – le Canard enchaîné. 26/01/2022
Honteux. La procureur de Versailles devrait être licenciée, elle est indigne de sa fonction.
Triste comportement d’un magistrat dont il convient de laisser l’enquête avérer les faits qui lui sont reprochés.